Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Eric Rinckhout tente de démêler faits et fiction dans «Willem Elsschot in Parijs»
© Koen Broos
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compte rendu
Littérature

Eric Rinckhout tente de démêler faits et fiction dans «Willem Elsschot in Parijs»

Plus d’un siècle après sa parution, le premier roman de Willem Elsschot, Villa des Roses, n’a pas fini de susciter la curiosité. À coup d’hypothèses, l’auteur et journaliste Eric Rinckhout cherche à déterminer sur quelles vérités repose le roman d’Elsschot.

Une «villa fantôme». C’est tout ce qui reste de la pension parisienne où Willem Elsschot a séjourné en 1906-1907. Elle lui a inspiré son premier roman Villa des Roses (1913), le nom qu’il lui a donné dans le livre. Dans le microcosme de ce petit hôtel minable, Elsschot esquisse un monde de duperie et d’hypocrisie bourgeoises, grâce auquel ce livre, qui date de plus d’un siècle, garde un aspect de fraîcheur et de modernisme. Mais, malgré les diverses biographies parues d’Alfons De Ridder, le vrai nom de Willem Elsschot, on ignore encore en grande partie sur quelles expériences sont fondés les événements décrits dans son roman. Aussi, dans Willem Elsschot in Parijs (Willem Elsschot à Paris), le journaliste Eric Rinckhout se lance-t-il dans une recherche. Que veut-il trouver précisément? La réponse à la question: «Quelles sont les parts respectives des faits et de la fiction dans Villa des Roses?».

À cet effet, il combine une sorte de promenade romantique, aidé de guides de voyages des années 1900, et l’exploration de sources. Il visite les archives de la Ville de Paris, les archives départementales, celles de la préfecture de police, la Bibliothèque nationale de France. Il consulte des registres de commerce datant de l’époque où Elsschot était à Paris, des registres de la population, des demandes de permis de bâtir, des cartes postales, journaux et magazines. Mais de nombreuses questions restent sans réponse. Sa recherche fournit toutefois quelques renseignements intéressants. Par exemple, l’authenticité du fait que la pension du 17 rue d’Armaillé, où Elsschot a séjourné, a été démolie quelques années plus tard. Non pas pour y construire un nouveau bâtiment, mais pour aménager un accès à la rue des Colonels-Renard. Si, en 2022, vous vous trouvez au milieu de cette rue, au point où arrive la rue d’Armaillé, vous êtes exactement à l’endroit où Elsschot a logé. Dans une pension imaginaire, donc, ou dans une «villa fantôme».

La «pension de famille de premier ordre» était exploitée par le couple Brideaux. Dans le roman, Elsschot leur a donné le nom de Brulot, mais, en comparant certains faits biographiques de la vie des Brideaux avec certaines descriptions contenues dans le roman, Rinckhout montre qu’il est plausible que le couple ait inspiré ses homologues fictifs. Mais leur pension n’avait probablement pas de nom, ou s’appelait simplement «pension d’Armaillé». D’où Elsschot a-t-il alors tiré le nom de «Villa des Roses»? Tout simplement, derrière le coin de la pension, semble-t-il: à l’emplacement actuel de l’hôpital Marmottan, se trouvait, à l’époque, la «Maison de chirurgie Saint-Ferdinand», un hôpital qui ressemblait à une maison de campagne et dont le nom «Villa des Roses» figurait sur un panneau placé près de la porte d’entrée.

Cependant, bien plus que les faits vérifiables, ce sont les hypothèses qui foisonnent dans le livre. Par exemple, celle qui veut que ce soit l’Argentin Carlos Harilaos qui a attiré Elsschot à Paris. Certains faits peuvent le faire penser: il habite à Paris, il a étudié, tout comme Elsschot, à l’école de Commerce d’Anvers et séjournait alors tout près de chez les parents d’Elsschot. Sachant que Harilaos est retourné précipitamment à Paris, sans terminer ses études, à peu près au moment où Elsschot partait pour la Ville Lumière, on peut, en effet, établir ce lien. Celui-ci paraît plausible également si on considère l’emploi exercé par Elsschot dans la capitale française: il y a été le secrétaire du commerçant argentin Alfredo Bustos. Le personnage d’Harilaos représente donc une piste possible: Elsschot avait l’intention de se rendre à Buenos Aires; nous ne savons ni comment ni pourquoi il s’est, au lieu de cela, retrouvé à Paris. Mais Rinckhout répète souvent, à propos de nombreuses hypothèses: «c’est possible, il n’y a, évidemment, aucune certitude».

Qui connaît la nouvelle «Le Feu follet» d’Elsschot sait dès les premières que Rinckhout terminera son errance de manière tout aussi décevante que Maria van Dam

Voilà le point faible du texte de Rinckhout. En fait, ce n’est pas une recherche, mais une ébauche de recherche. Il fait un compte rendu, indique certaines choses, formule des hypothèses, dont certaines sont plausibles et d’autres fondées seulement sur une analogie frappante. De plus, Willem Elsschot in Parijs n’est pas d’une grande qualité littéraire; on voit plutôt le livre comme l’outil de travail, le carnet dans lequel le journaliste a noté ses idées et ses constatations.

Mais qui connaît Le Feu follet, la merveilleuse nouvelle d’Elsschot, qui raconte la quête infructueuse de Maria van Dam, sait, dès le début du rapport de Rinckhout, que celui-ci terminera son errance de manière tout aussi décevante. À la fin de Villa des Roses, Louise, abandonnée par son amant Grünewald, et anéantie par cet abandon, retourne en train à Chevreuse, son village natal. Ni dans les registres ni dans les documents biographiques d’Elsschot, Rinckhout n’a pu trouver quel personnage historique aurait pu inspirer celui de Louise. Mais, à la fin de Willem Elsschot in Parijs, il part à sa recherche. À la gare de Saint-Rémy-les-Chevreuse, le journaliste ne trouve qu’une voie ferrée désaffectée et quelques sculptures fantomatiques: Louise Créteur, telle sa Maria van Dam à lui, a disparu dans le néant de l’imagination.

Eric Rinckhout, Willem Elsschot in Parijs, Uitgeverij Vrijdag, 2022.
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