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pays-bas français

Le Nord de la France monte à vélo et profite de 1200 km de routes cyclables

Par Koen Driessens, traduit par Marcel Harmignies
20 juin 2022 9 min. temps de lecture

À la mi-juin, le deuxième réseau points-nœuds vélo français a ouvert dans l’Avesnois, dans la partie est du département du Nord: les cyclistes de loisir peuvent désormais profiter de pas moins de 1200 km de routes et de chemins à faible trafic, balisés et adaptés aux cyclistes. Il y a trois ans, les premiers 880 km de points-nœuds cyclables ont été installés dans ce département, notamment en Flandre française, en prolongement du réseau de Flandre-Occidentale.

«Et un troisième réseau points-nœuds vélo –en Flandre Côte d’Opale, entre la Vallée de l’Yser et la Côte d’Opale– est en préparation», annonce Jeroen Stam, chef de projet Coopération et Itinérance Transfrontalières du Nord. «Sur les voies rurales situées entre la Lys et les Monts de Flandre française, on trouve surtout des vélotouristes flamands et néerlandais, mais avec un réseau cyclable de Lille à Dunkerque, on peut aussi arriver sur le marché français avec un produit cycliste transfrontalier de plusieurs jours. D’ores et déjà, les compteurs entre les panneaux verts des points-nœuds montrent qu’il existe des pics de fréquentation le dimanche –ce qui indique un usage récréatif– et, des ventes de cartes des pistes, il apparaît que déjà 40% des usagers sont français. En France, la pratique récréative de la bicyclette est moins répandue, mais cela se met en place. En l’occurrence, le coronavirus a constitué un catalyseur.»

Même avant la pandémie, la pratique du vélo avait pris de l’ampleur dans le Nord de la France. Sous l’influence des préoccupations relatives à la mobilité, la santé et l’environnement, une prise de conscience s’est développée chez les politiques promouvant un Nord durable afin d’atteindre la neutralité climatique vers 2040. Dès 2012, des actions cyclistes ont été mises en place, avec l’édition d’une carte générale gratuite et, entre 2013 et 2015, des randonnées cyclistes qui ont attiré beaucoup de Flamands. En 2014, une étude a été réalisée sur les possibilités de vélotourisme dans le département.

En 2016, le «délégué au cyclisme» Fabrice Lefebvre a entrepris, à la demande du Conseil départemental du Nord, la conception d’un «schéma cyclable départemental», en vue d’un plan cycliste général: «l’amélioration de la mobilité est l’objectif principal des différents niveaux de gouvernement qui travaillent ensemble et à leur propre rythme budgétaire pour mettre au point le réseau de voies cyclables. À cette fin, le département a porté le budget annuel à 10 millions d’euros.» En 2018 et 2020, le schéma a été approuvé à l’unanimité par le parti au pouvoir et les partis d’opposition.

Évidemment, les voies constituant ce réseau cyclable doivent être adaptées, ou le devenir, car en France elles ne sont pas toujours prévues pour la circulation des vélos. Le réseau points-nœuds vélo français et son équivalent flamand offrent des expériences bien différentes. Alors qu’en Flandre ces itinéraires mènent principalement à des voies exclusivement réservées aux cyclistes ou au moins à des pistes cyclables longeant des autoroutes –souvent séparées–, les pistes cyclables sont encore une rareté en Flandre française, sans parler de voies séparées et uniquement destinées aux cyclistes. Il n’est pas rare même que, sur les voies étroites, joliment goudronnées du réseau cyclable à nœuds numérotés français, vous deviez faire de la place à des automobiles ou des véhicules agricoles. Heureusement, les routes n’y sont pas très fréquentées.

Gain économique

Cependant, le département du Nord connaît aussi des problèmes de circulation croissants, «surtout dans les zones urbanisées», déclare Lefebvre, «où il y a, en outre, peu d’espace pour faire un peu de place aux cyclistes. Nous donnons à cet égard la priorité aux liaisons cyclables ayant des destinations publiques, comme les écoles.» Selon lui, il n’y a jamais assez de pistes cyclables, mais l’aménagement parfois compliqué et coûteux de pistes n’est pas non plus toujours nécessaire.

«Une piste cyclable le long d’une route départementale où on peut rouler à 90 km/h n’incite pas les parents à envoyer leurs enfants à l’école par ce chemin», selon Jeroen Stam. «Un réseau points-nœuds de petites voies municipales qui cheminent souvent en parallèle et peuvent facilement être interdites aux voitures, offre une alternative. Cela revient beaucoup moins cher!» Selon Fabrice Lefebvre, si la préoccupation politique est surtout orientée vers «les déplacements quotidiens, nous devons aussi tenir compte des attentes des vélotouristes qui bénéficient bien sûr de la mise en œuvre de notre plan cyclisme. Plus encore, savoir que les vélotouristes belges et néerlandais en particulier sont dans l’attente de pouvoir circuler sur des voies sûres et accessibles dans le Nord de la France, a certainement accéléré l’élaboration de notre plan vélo.»

«Le tourisme peut ainsi aider à améliorer la mobilité quotidienne», selon Jeroen Stam. «L’idée de base d’un réseau points-nœuds vélo est qu’un vélotourisme bien développé peut avoir également un effet de renfort dans d’autres domaines. Par exemple, une région travaille à la protection de la nature et valorise sa beauté naturelle. Et il y a un gain économique: l’hôtellerie-restauration en profite, de nouveaux emplois sont créés. Et cela à peu de frais.» Cette considération a convaincu les politiques locaux du Nord de la France de consacrer davantage d’attention (et de budget) au développement du vélotourisme. En septembre, Jeroen emmène une délégation à la source du tourisme points-nœuds, au Limbourg belge. Comme le Nord de la France post-industriel, le Limbourg a dû se réinventer économiquement après la fermeture des mines. La province s’est présentée comme le paradis du vélo avec un tel succès qu’elle a entraîné le reste de la Flandre (et aussi les Pays-Bas, l’Allemagne et même la Wallonie) dans le déploiement d’un réseau rural points-nœuds vélo.

Raccordement sans problème

«Nous sommes heureux que le Nord développe maintenant des réseaux points-nœuds vélo», déclare Lien Phlypo, directrice des loisirs chez Westtoer (service touristique de Flandre-Occidentale). «Nous pensons que c’est très important pour le (vélo)tourisme transfrontalier. Du côté de la Flandre-Occidentale, nous avions déjà prévu tous les points-nœuds situés sur la frontière depuis 2016, de telle sorte que les réseaux pouvaient être raccordés sans problème.» Aujourd’hui, en tant que cycliste amateur, vous remarquez à peine que vous traversez la frontière, grâce aux numérotations coordonnées des points-nœuds. «Pour notre propre réseau, un réseau de points-nœuds français représente une valeur ajoutée: les touristes qui viennent pédaler en Flandre-Occidentale peuvent passer la frontière. Nous élargissons ainsi d’un coup notre offre. Et il en va de même du côté français, naturellement.»

En effet, on le constate même en circulant autour et sur le mont Noir. Sur le réseau points-nœuds vélo flamando-français qui serpente le long de la frontière belge et la traverse, il est parfois difficile de savoir si on se trouve en Flandre française ou en Flandre occidentale. En fait, il arrive souvent qu’un des côtés de la route soit français et l’autre belge. Seules les plaques portant le nom des rues permettent de savoir précisément ce qu’il en est.

«L’idée a toujours été de se connecter aisément au réseau flamand afin que les vélotouristes ne soient jamais bloqués ou perdus dans un paysage qui n’en finit plus: il est agréable pour un cycliste de constater que le plaisir de faire du vélo est le même des deux côtés de la frontière», affirme Jeroen Stam, qui confirme que la concertation avec la Flandre-Occidentale s’est bien déroulée. «Parce que, dans ce domaine, des contacts transfrontaliers sont noués depuis trente ans. Il existe également des projets cyclistes européens.»

Avec le projet Interreg Eurocyclo, l’Europe travaille au développement d’un réseau cyclable international: la construction et la promotion d’itinéraires longue distance et, pour le Nord de la France, la construction également de réseaux cyclables. «Cela nous a permis de nous attaquer à la signalétique et à l’équipement des itinéraires Eurovelo 4 et 5», dit Lien Phlypo, de Westtoer, qui a apporté son expertise au développement d’un réseau cyclable points-nœuds lors de nombreuses rencontres avec les Français. «L’approche dans chaque région est peut-être bien différente, mais la collaboration s’est très bien déroulée, par exemple pour le raccordement de notre route de la Côte avec la Vélomaritime française. Il est particulièrement important de trouver les bons partenaires de l’autre côté de la frontière, mais cela fonctionne maintenant très bien grâce aux nombreux contacts transfrontaliers.»

Frontière mentale

Pour le réseau de l’Avesnois, qui jouxte le Hainaut belge, le même principe est valable: là aussi, le réseau points-nœuds vélo se raccorde impeccablement au réseau wallon. L’itinéraire longue distance EuroVélo 3 qui relie Aix-la-Chapelle à Paris traverse également cette région. «Le Nord jouxte la Belgique sur pas moins de 350 km,» témoigne Jeroen Stam. Cette collaboration s’est, elle aussi, déroulée facilement, bien qu’il n’existe pas avec le Hainaut la même longue tradition de concertation internationale qu’avec la Flandre-Occidentale. Il n’y a pas si longtemps que les liens entre le Hainaut et son plus proche voisin, le Nord, se sont renforcés au niveau politique.

Contrairement à la zone frontalière franco-wallonne, la frontière mentale entre la Flandre et la France est plus importante, notamment du fait de la différence linguistique. Il y avait autrefois une frontière matérielle qui entraînait une véritable culture de la contrebande, il n’y en a plus aujourd’hui. «Pourtant, en dépit de l’ouverture des frontières, la discordance des esprits est plus importante que jamais», note Martial Waeghemacker, adjoint à la culture de la commune frontalière de Godewaersvelde. «Nous ne savons plus rien les uns des autres. Watou est de l’autre côté, mais personne d’ici ne va à ses festivals de poésie, d’art et de musique.» Jeroen Stam est convaincu qu’un réseau points-nœuds vélo transfrontalier pourrait contribuer à l’abaissement de cette frontière. «L’attrait d’une frontière réside toujours dans le fait qu’il y a de l’autre côté quelque chose de « différent » qui suscite la curiosité. Pour les promoteurs touristiques, c’est, en termes de storytelling, inestimable.»

En dépit de la fête annuelle du vélo sur les pavés de Paris-Roubaix et du rayonnement mondial du Tour de France, le vélo demeure en France le parent pauvre de la mobilité. «Le cyclisme de loisir est encore moins dans l’ADN des Français», conclut Lien Phlypo, «mais nous remarquons bien que le vélo émerge. Aujourd’hui, le nombre de cyclistes de loisir français sur les routes de Flandre-Occidentale est certes encore limité, mais nous espérons les voir plus souvent ici aussi dans l’avenir, notamment grâce au développement des réseaux points-nœuds vélo adjacents.»

Pendant ce temps, le reste de la France a eu vent des points-nœuds cyclables du Nord. Bien que l’intérêt reste pour l’instant limité aux départements les plus septentrionaux, qui lorgnent sans doute aussi du côté des vélotouristes belges, néerlandais et allemands. Les départements de la Somme, de la Meuse et du Doubs (Jura) sont venus s’informer dans le Nord dans la perspective de mettre en place quelque chose du même genre. Ou comment la Flandre française peut encore inspirer la France entière.

Koen Driessens

Koen Driessens

journaliste, rédacteur, traducteur

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