Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Les adieux à un homme orchestre : Jacques De Decker (1945-2020)
Littérature

Les adieux à un homme orchestre : Jacques De Decker (1945-2020)

Jacques De Decker, écrivain, homme de théâtre, traducteur, journaliste, homme orchestre du monde littéraire en Belgique francophone, s’est éteint le 12 avril à l’âge de 74 ans. Il a succombé à une crise cardiaque dans le taxi qui l’emmenait à l’hôpital. Passerelle culturelle entre la francophonie et la néerlandophonie (et vice versa), De Decker a permis aux francophones de découvrir plusieurs textes néerlandophones. Il était, dans le monde francophone, un des plus grands connaisseurs et des plus fervents amateurs de l’œuvre du célèbre écrivain et dramaturge flamand Hugo Claus (1929-2008).

Il avait, de tout temps, sollicité sa mort
cherchant, avant le terme, à convenir déjà,
des tours et détours que prendrait ce trépas
sachant que par-delà, manquerait tout encor
Il savait de toujours, dès l’âge trébuchant,
où il pouvait passer debout dessous les tables
qu’il marchait, droit devant, vers le sort immuable
réservé à l’humain irrévocablement
Il ne se plaignait pas, se pliait au destin,
il cherchait seulement quel y serait son rôle
refusait d’être objet, victime, simple drôle,
marionnette aliénée aux jeux de ses filins.
Il savait que très tôt il lui faudrait créer
entre son arrivée et son adieu au monde
sa légende à lui seul, son rôle dans la ronde,
dans cet arpent de temps qu’il pouvait gouverner.
C’est là qu’est ma partie ! découvrait-il, heureux
de disposer d’un peu de jeu dans l’engrenage
d’un infime fragment, d’une furtive page
dans le grand livre écrit de la plume de dieu.

Jacques De Decker avait écrit ce poème fin mars. D’après son ami Jean Jauniaux, auteur et journaliste, «il avait envie de se relancer dans l’écriture, dans le temps qui restait …»

Après ses études de philologie germanique (néerlandais et allemand) à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), Jacques De Decker est d’abord entré dans l’enseignement. Il a été professeur à l’École d’interprètes de l’université de Mons, ainsi qu’à l’INSAS (école de théâtre et de cinéma à Bruxelles) et au Conservatoire royal de Bruxelles. Il s’est ensuite orienté vers le journalisme. Durant quelque quarante ans, il a collaboré au quotidien Le Soir, dont il a dirigé le service culturel de 1985 à 1990.

Tout jeune encore, De Decker a été dans le monde du théâtre en Belgique francophone une figure de proue. En 1963, il a été co-fondateur du Théâtre de l’Esprit frappeur, une compagnie qui allait se signaler par l'audace de ses mises en scène et la modernité qu'elle apportait à la scène bruxelloise. On doit à De Decker une quantité impressionnante d’adaptations en langue française (plus de cinquante) de textes dramatiques écrits en néerlandais. Hugo Claus était l’un de ses auteurs favoris. De Decker a aussi effectué des traductions de l’anglais (notamment Tom Stoppard) et de l’allemand (entre autres Arthur Schnitzler et Botho Strauss) et s’est beaucoup intéressé à Ibsen, Strindberg et Tchekhov.

Homme orchestre

De Decker était également très apprécié comme romancier (sa première oeuvre La Gande Roue a été nominée pour le Goncourt), critique littéraire, essayiste et biographe (voir notamment ses vies d’Ibsen et de Wagner). Mais il a surtout acquis au fil du temps la stature d’un infatigable homme orchestre dans les sphères littéraires et culturelles en Belgique francophone et même en dehors.

Ainsi, il a été président de l’organisation Beaumarchais à Paris. En 1997, il a succédé à Albert Ayguesparse en tant que membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, dont il est devenu cinq ans plus tard le secrétaire perpétuel, fonction qu’il exerçait tout récemment encore. Un an après son entrée à l’Académie, De Decker a relancé la revue littéraire Marginales. De plus, il a apporté son concours à de nombreux lieux d’animation littéraire, L’un de ceux-ci était passa porta, maison internationale des littératures à Bruxelles, dont, jusqu’il y a peu, il a assumé la présidence en partage avec le Flamand Hugo De Greef.

Jacques De Decker était membre de la Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal- en Letterkunde à Gand et aussi, depuis 1991, du comité de conseil de notre revue en langue française Septentrion. Il nous a prodigué des conseils très utiles. Nous lui devons aussi notre reconnaissance pour la manière élogieuse dont il s’est exprimé à plusieurs reprises devant les médias à l’égard de cette revue.

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