Naviguant avec style entre le français et le néerlandais: Nicole Verschoore (1939-2020)
Nous avons récemment appris que l’écrivaine Nicole Verschoore est décédée à la mi-décembre 2020. Elle avait 81 ans. Verschoore avait un pied dans la culture française, l’autre dans la culture néerlandaise. Portrait d’une femme qui intriguait.
Nicole Verschoore a grandi à Gand dans les cercles francophones encore très présents à l’époque dans la cité d’Artevelde. Ce sont cependant les langues germaniques qu’elle a choisi d’étudier à l’université de sa ville natale. Ses brillantes études se sont clôturées par un doctorat après une thèse en relation avec la littérature allemande d’après-guerre.
Nicole Verschoore s’est d’abord essentiellement fait connaître comme journaliste. Jusqu’en 1988, elle a participé avec brio à la rédaction culturelle du quotidien flamand d’orientation libérale Het laatste nieuws. Mais, ce journal accordant progressivement moins de place à la culture, elle a abandonné le journalisme.
Sur ces entrefaites, elle avait déjà signé différents essais sur des auteurs des XIXe et XXe siècles qui avaient, chacun à leur manière, joué un rôle dans le mouvement littéraire et culturel flamand. Il s’agissait principalement, dans la ligne des sympathies personnelles de Verschoore, d’écrivains de conviction libérale plus ou moins prononcée. Dans la suite, elle a rédigé pour l’influent périodique La Revue générale des articles présentant au lecteur francophone plusieurs éminentes figures du passé intellectuel et littéraire flamand. Elle tenait aussi dans La Revue générale sa propre rubrique, Lettre de Flandre.
Dans la carrière de Nicole Verschoore, 1994 a marqué d’une certaine manière un tournant. Jusque là, elle n’avait publié qu’en néerlandais. Mais c’est alors qu’est paru son premier roman, dans sa langue maternelle. Le Maître du bourg, une histoire d’amour qui a pour cadre le Bruxelles contemporain et renferme maintes évocations du passé, a été édité chez Gallimard et a tout de suite été couronné de succès. Elle a reçu pour ce roman le prix franco-belge de l’Association des écrivains de langue française (Adelf) à Paris.
Le Maître du bourg s’est avéré un tremplin idéal vers la trilogie La Passion et les hommes, fresque historique dans laquelle elle fait revivre différents aspects passionnants de la vie en Flandre au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe. Les trois romans qui forment ensemble La Passion et les hommes (soit Les Parchemins de la tour, Le Mont Blandin et La Charrette de Lapsceure) lui ont valu le prix Michot de l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique.
Après sa trilogie, Verschoore a encore publié plusieurs romans et de nombreux essais, souvent d’inspiration historique. Ces ouvrages révèlent une remarquable connaissance non seulement de l’histoire de Belgique, mais aussi de l’Europe en général. Ce qui ne l’empêche pas de manifester un intérêt peu ordinaire pour la culture et l’histoire locales. Dans l’hebdomadaire francophone Le Nouveau Courrier, elle a publié entre 1994 et 1999 maints articles évoquant le passé de Gand. Il n’est pas étonnant que, dans le même contexte, elle ait collaboré activement à www.literairgent.be, un site en langue néerlandaise mettant à la portée du plus grand nombre la littérature parue dans et au sujet de sa ville natale. En français également, Verschoore s’est montrée présente sur internet. Elle était un élément moteur de la revue littéraire en ligne www.bon-a-tirer.com, pour laquelle elle a aussi rédigé diverses contributions.
Avec la disparition de Nicole Verschoore, la littérature flamande de langue française perd une de ses toutes dernières figures. Verschoore s’inscrit dans une lignée de grands noms tels que Maeterlinck, Émile Verhaeren, Georges Rodenbach, Suzanne Lilar et tant d’autres qui ont porté haut les couleurs de la Belgique littéraire. Mais, à la différence de ses prédécesseurs, elle naviguait constamment, inlassablement et avec bonheur entre la culture de langue française et la culture de langue néerlandaise. Cela fait d’elle une écrivaine sans doute insaisissable, mais extrêmement attachante.