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Une irrésistible ascension vers les hautes sphères de l’Europe : Charles Michel

Par Hendrik Vos, traduit par Willy Devos
27 novembre 2019 5 min. temps de lecture

Le 1er décembre 2019, l’ancien Premier ministre belge Charles Michel prend ses nouvelles fonctions de président du Conseil européen. Au niveau européen, Michel pourra incontestablement profiter de l’expérience qu’il a acquise en Belgique avec des partis gouvernementaux chamailleurs.

Charles Michel n’avait pas encore quarante ans lorsqu’en 2014 il devint Premier ministre de Belgique. C’était plutôt inattendu pour le libéral francophone. Son parti, le Mouvement Réformateur (MR), avait enregistré un léger progrès lors des élections mais n’était certes pas la formation la plus importante. Longtemps, il sembla logique que le Premier ministre sorte des rangs des démocrates-chrétiens néerlandophones. Ceux-ci préférèrent toutefois briguer la fonction de commissaire européen pour Marianne Thyssen et renoncèrent finalement au poste de Premier ministre, qui irait dès lors à un autre parti. Ainsi entra en scène Michel. Déjà, à 24 ans, il avait été ministre au sein du gouvernement régional wallon et par la suite il avait été chargé de la coopération au développement.

Ses années comme Premier ministre de Belgique ont été difficiles à plusieurs égards.

Qu’il ait pu, relativement jeune, réaliser un parcours aussi impressionnant s’explique en grande partie par le fait qu’il était le fils de Louis Michel, ancien Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, commissaire européen et eurodéputé. Charles a cependant rapidement réussi à suivre sa propre voie. On le présente rarement en le réduisant à son statut de «fils de».

Ses années comme Premier ministre de Belgique ont été difficiles à plusieurs égards. En Belgique francophone, on lui en voulait de diriger un gouvernement qui ne s’appuyait pas sur une majorité francophone au sein du parlement. Les partis gouvernementaux flamands ne cessaient de se quereller entre eux. Les médias stigmatisaient le kibbelkabinet, le «cabinet de chamailleurs». De plus, fin 2018, le parti gouvernemental le plus important, le parti nationaliste flamand N-VA, quitta le gouvernement en raison de divergences de vues avec les autres partis de la coalition sur le pacte dit de Marrakech en matière de migration.

Lors des élections de 2019, le MR, à l’instar de tous les autres partis ayant participé au gouvernement, enregistra un net recul. L’éventualité que Michel puisse être reconduit comme Premier ministre était minime.

Son parti ne disposait plus de suffisamment de poids pour que lui soit à nouveau confiée la mission de mener les négociations. Des bruits couraient selon lesquels Michel entrait en ligne de compte pour être délégué par la Belgique auprès de la Commission européenne. Après deux Flamands (Karel De Gucht et Marianne Thyssen), il était temps que ce soit le tour d’un francophone. Voilà qui contrariait les projets de Didier Reynders, membre de la même formation politique. Disposant de plus d’expérience que Michel, il s’était vu dépassé dans l’ordre de préséance du parti. Reynders briguait une importante fonction internationale parce qu’il se rendait compte qu’il ne tenait plus le haut du pavé au sein du parti, où il se voyait aussi contrecarré. Aussi s’était-il porté candidat à la fonction, moins visible et moins importante, de secrétaire général du Conseil de l’Europe. Toutefois, lors d’un vote au Conseil de l’Europe, il s’est fait éconduire.

Finalement, Reynders fut tout de même proposé pour une fonction de commissaire européen, Michel s’étant vu attribuer de façon imprévue une fonction plus prestigieuse encore: au mois de juin 2019, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne l’avaient désigné comme président permanent du Conseil européen. Michel ne s’était jamais manifesté comme candidat, mais tombait apparemment à pic dans le puzzle qui devait s’élaborer laborieusement à l’issue des élections européennes. Le groupe libéral était renforcé par l’arrivée d’Emmanuel Macron et son mouvement. La présidence de la Commission irait à une démocrate-chrétienne, Ursula von der Leyen. La présidence permanente du Conseil européen pouvait par conséquent revenir à un libéral. Comme on préfère confier une telle mission à des politiques expérimentés dans l’exercice du pouvoir au plus haut niveau, Michel semblait pour ainsi dire taillé pour cette fonction. Son excellente relation avec Macron a sûrement eu un effet positif.

Au niveau européen, Michel pourra incontestablement profiter de l’expérience qu’il a acquise en Belgique avec des partis gouvernementaux chamailleurs. Toutes sortes de thèmes figurent à l’ordre du jour: la migration, la gestion de la zone euro, la politique sécuritaire, le changement climatique, des questions de politique étrangère.

En coopération avec la Commission européenne, Michel devra amener les États membres à prendre des décisions. Ce n’est pas une tâche facile, car les priorités, les visions politiques et les intérêts sont assez divergents. Ce qui retient tous les intéressés autour de la table de négociation est la conscience du fait qu’il est impossible aux différents pays de trouver séparément une solution à ces questions et qu’ils sont dès lors obligés de chercher une approche commune.

Après Herman Van Rompuy (Belge lui aussi) et Donald Tusk, Michel n’est que le troisième président permanent du Conseil européen. Il lui reste de la marge pour donner un contenu personnel à la fonction. La Commission européenne semble surtout vouloir s’attacher à régler des questions internes, ce qui laisse de l’espace à Michel pour prendre des initiatives en matière de politique étrangère. Dans ce domaine, les défis ne manquent pas: ces derniers temps, le monde est devenu bien plus complexe. Des dirigeants de puissances mondiales sont devenus plus imprévisibles et souvent aussi plus directs, plus carrés dans leurs options politiques. L’absence de stabilité au Moyen-Orient, en Afrique ou dans les territoires périphériques de la Russie a des conséquences pour l’Union européenne, notamment par les flux migratoires qui en résultent.

Par le passé, l’Union a toujours éprouvé des difficultés à réagir unanimement à ces évolutions. Elle est là, elle observe mais n’arrive guère à avoir vraiment une emprise sur la scène internationale. Dans le contexte actuel, l’Europe peut difficilement se permettre de continuer à pratiquer une politique étrangère en ordre dispersé. Créer une plus grande et plus forte unanimité devient dès lors une mission cruciale pour Michel.

Hendrik-Vos

Hendrik Vos

professeur en sciences politiques à l' université de Gand

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