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histoire

“Van, Van, Van” : les noms de famille d’origine flamande à Charleroi

23 août 2019 4 min. temps de lecture

Récemment, Ons Erfdeel vzw a eu le plaisir d’accueillir deux participantes au cours d’été de néerlandais organisé par la Nederlandse Taalunie en collaboration avec l’université de Gand. L’une d’elles, Maïte Chauvier, originaire de Charleroi et étudiante de néerlandais à l’université de Mons, a écrit un texte (en français et en néerlandais) dans lequel elle explique pourquoi de nombreux Carolorégiens ont un nom de famille flamand.

Si nous pensons à Charleroi, les premières choses qui nous viennent à l’esprit sont les mines de charbon, les usines et l’énorme vague d’immigration italienne qui en découle. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est qu’avant l’instauration de cette migration organisée, les Flamands étaient déjà là à leur place.

N’avez-vous jamais remarqué lorsque vous vous promenez dans la ville ou que vous lisez la presse ces drôles de noms de famille qui commencent par Van: Van Cauwenberghe, Van Gompel, Vandervelde … Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi ces Carolos et ces boulevards ont des noms si flamands?

La présence d’autant de noms flamands dans cette région s’explique par la migration interne entre le nord et le sud du pays qui a eu lieu en Belgique au XIXe siècle et au début du XXe.

L’invention de la machine à vapeur au XIXe siècle marque le début d’une ère de grand changement qu’on appellera plus tard Révolution industrielle. C’est cet essor de l’industrie qui modifiera indubitablement la société belge et entrainera l’exode rural ainsi que cette vague de migration. En effet, alors qu’en Flandre les agriculteurs font face à la crise, Charleroi grâce à ses réserves de houille devient l’une des villes les plus prospères d’Europe et a besoin de main-d’œuvre pour faire tourner mines, verreries et sidérurgies. De nombreux Flamands quittent donc leur campagne pour trouver du travail au sud du pays et échapper à la pauvreté.

Au XIXe, la situation en Flandre est en effet beaucoup moins florissante qu’en Wallonie. De nombreux Flamands vivent dans la précarité, notamment après la crise de 1845, une année désastreuse. À la suite d’un hiver rude, les récoltes de blé sont ruinées et la majorité des récoltes de pommes de terre sont détruites par des parasites. Cette année-là, le nombre de décès à cause de la famine est extrêmement élevé. En plus de ce taux de mortalité effarant, ces mauvaises récoltes provoquent également une crise économique.

À cette époque, les agriculteurs devaient payer pour travailler leur terre (baux) mais il n’y avait pas beaucoup de sol fertile disponible. Demande importante, peu d’offre disponible, et les prix augmentent excessivement. Dès lors, de nombreux Flamands se retrouvent sans emploi et donc sans revenu. Pour nourrir leur famille, ils durent donc se reconvertir et déménager pour trouver un nouvel emploi.

En ce qui concerne l’artisanat à domicile, qui à l’époque était aussi une source de revenu, le secteur est affecté par l’industrie textile et l’apparition du coton.

Bien que certaines industries (surtout textiles) s’ouvrent également plus tard en Flandre, l’industrie se développe d’abord et davantage en Wallonie grâce à la présence sur place du charbon, le principal combustible de l’époque.

C’est pourquoi les Flamands se rendirent par milliers en Wallonie. Selon les recensements linguistiques organisés au XIXe par l’État belge, 9 044 Flamands vivaient à Charleroi en 1866 et 26 986 en 1910.

Cette venue massive de Flamands en région wallonne provoqua la construction de véritables quartiers flamands et la fondation d’associations notamment celle appelée Werk Der Vlamingen. Il s’agissait d’une association catholique qui soutenait de leur naissance à leur décès les Flamands installés en Wallonie .

Bien qu’ au départ certains Wallons se soient opposés à l’établissement de tels quartiers, craignant un manque d’intégration, les Flamands s’intégrèrent rapidement. Beaucoup étaient membres de syndicats (qui avaient même ouvert une section flamande ) et certains étaient également membres d’un parti politique. Leurs enfants et plus tard leurs petits-enfants allèrent à l’école en français, etc. Et maintenant, leurs descendants sont totalement intégrés à tel point que certains ne savent quasi rien de leurs origines flamandes.

Cependant, il y eut également beaucoup de navetteurs. Certains souhaitaient rester au sein de leur communauté et de leur paroisse. C’est pourquoi chaque jour, ils faisaient les trajets entre leur domicile en Flandre et leur lieu de travail en Wallonie. Tout comme c’est aujourd’hui le cas entre la province et la capitale.

Pour conclure, de tout temps, la Belgique a été et est toujours un pays de migration. Et le XIXe siècle ne fait pas exception à la règle.

Même si cette vague de migration interne est souvent oubliée, elle n’en a pas pour autant moins marqué l’histoire de la Belgique et laissé des traces jusqu’à nos jours. Vous savez maintenant pourquoi ces Carolos célèbres ou non possèdent des noms de famille si flamands.

Maïte-Chauvier

Maïte Chauvier

étudiante en néerlandais

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