Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Du sentiment orangiste à Anton de Kom: le Canon des Pays-Bas revu et corrigé
Carnets d'un étonné
Histoire

Du sentiment orangiste à Anton de Kom: le Canon des Pays-Bas revu et corrigé

Les Pays-Bas ont revu leur canon. Le but du nouvel étalonnage était de prendre en compte davantage de femmes et plus de diversité, moins de Hollande et plus de région, et de s’étaler plus largement dans le temps. On note parmi les entrées Marie de Bourgogne, Johan van Oldenbarnevelt, Sara Burgerhart, Anton de Kom, les travailleurs immigrés, le sentiment orangiste. Au rayon des sortants: Charles Quint, la République, la ceinture de canaux, le mouvement De Stijl, Willem Drees, le panachage de la population, le gisement de gaz naturel.

Les Pays-Bas ont revu leur canon historique. Celui-ci comportait cinquante thèmes, classés en autant de «fenêtres» et répertoriant des événements, personnalités ou concepts. Treize ans après la présentation des résultats, le canon réétalonné a été examiné pendant un an par une nouvelle commission, qui l’a ensuite soumis à la ministre de l’Enseignement, de la Culture et de la politique scientifique, Ingrid van Engelshoven.

Le canon s’est maintenu solidement sur ses bases. Le président James Kennedy, en dressant le bilan le 22 juin 2020, a déclaré qu’il n’y avait aucune raison de désavouer le canon de 2007. Le travail fourni était sérieux et consistant. Il ne requérait qu’un suivi attentif. Il faut en effet se rendre à l’évidence que les temps changent, les termes linguistiques également. Kennedy a immédiatement mis en avant que, de l’avis de la commission, la prochaine réévaluation devrait avoir lieu dans dix ans.

Le Canon des Pays-Bas est largement utilisé depuis 2007 dans l’enseignement primaire et secondaire. Il est aussi «exposé» dans une trentaine de «musées du canon» néerlandais par le biais de pièces réputées. Le musée national en plein air d’Arnhem dédie au canon un bâtiment distinct.

La commission a réécrit tous les textes des cinquante «fenêtres». Elle a voulu rendre celles-ci plus accessibles aux étudiants et écoliers ainsi qu’au grand public; un canon pour tous, en quelque sorte.

Le souci constant est d’apporter un appui à l’enseignement en développant chez les élèves les connaissances historiques et la réflexion sur l’histoire. Cela a amené la commission à présenter sept grandes lignes directrices reliant entre eux les cinquante sujets du canon, tant en termes de contenu que par la thématique. Ces lignes directrices peuvent servir de point de départ pour un enseignement thématique et interdisciplinaire et portent sur des questions comme celles-ci: (In)égalité sociale (Qui est pris en compte?), Politique et société (Qui dirige?), Langue, arts et culture (Associer mot et image), les Pays-Bas, pays de l’eau (Vivre dans un delta fragile); Réflexion sur la vie et le sens à lui donner (Qu’est-ce qui donne du sens?), Connaissance, science et innovation (Que savons-nous?), Économie mondiale (Interconnexions).

Le souci constant est d’apporter un appui à l’enseignement en développant chez les élèves les connaissances historiques et la réflexion sur l’histoire.

Outre ces axes principaux, le découpage du temps en dix tranches continue de jouer son rôle, en assurant autant que possible une correspondance entre les jalons de la ligne du temps et les «fenêtres»: Chasseurs et paysans, Grecs et Romains, Moines et Chevaliers, Villes et États, Découvreurs et réformateurs, Régents et souverains, Ancien Régime et révolutions, Citoyens et machines à vapeur, Guerres mondiales, Télévision et ordinateurs.

Dix sortants, dix entrants, quatre changements de nom

Bien, mais que voulez-vous savoir de ce canon réétalonné? La commission a souhaité un canon plus équilibré: plus de femmes et de «diversité», moins de Hollande et plus de région, une répartition plus étalée sur la ligne du temps et, si possible, un angle d’approche encore un peu plus international.

Dix nouvelles fenêtres ont été choisies: Trijntje (c’est le nom du squelette retrouvé intact d’une femme, chasseresse-collectionneuse, morte environ 5500 ans av.J.-C.), Jérôme Bosch, Marie de Bourgogne, Johan van Oldenbarnevelt, Sara Burgerhart, Anton de Kom, Marga Klompé, les travailleurs immigrés, la Houille et le Gaz, et le sentiment orangiste.

Ces dix entrées impliquaient dix sorties: Floris V (un comte de Hollande du XIIIe siècle), Charles Quint, la République, la Ceinture de canaux, les Résidences secondaires, le mouvement De Stijl, Willem Drees, les Années de crise (1929-1940), le panachage de la population et le Gisement de gaz naturel.

Quatre fenêtres ont reçu un nouveau nom: la Beeldenstorm ou Querelle des Iconoclastes a été rebaptisée De Opstand (la grande Révolte); la Vereenigde Oostindische Compagnie (VOC, Compagnie réunie des Indes orientales) a vu son nom «éclaté» en VOC et WIC (Compagnie des Indes occidentales); le concept d’Opposition au travail des enfants a fait place à la «Petite Loi sur l’enfance’ de Van Houten (loi de 1874 interdisant la mise au travail des enfants de moins de douze ans); le Suriname et les Antilles néerlandaises forment désormais ensemble le Caribisch gebied (Région des Caraïbes ou caribéenne).

Cela devient intéressant. Il fallait ajouter des femmes. Exit le «père» de l’État-providence Willem Drees au profit de la catholique Marga Klompé, qui fut en 1956 la première femme ministre et qui, dans les années 1960, a définitivement modernisé l’État-providence. Bien joué. Charles Quint a dû baisser pavillon devant Marie de Bourgogne, dont le mariage avec Maximilien d’Autriche a marqué le début de la transition entre l’Empire bourguignon et celui des Habsbourg. Pas mal joué non plus, quoique je me demande si Marie est vraiment connue «outre-Moerdijk». Bienvenue aussi à Sarah Burgerhart, dix-neuf ans, orpheline en quête d’amour et de bonheur, née de la plume de Betje Wolff et Aagje Deken. Une bien jolie icône des Lumières, doublée d’un sage modèle pour les féministes.

Avec la «houille», le Limbourg rejoint le canon, ce qui relativise quelque peu l’importance du gisement de la province de Groningue et l’hégémonie «hollandaise». Du reste, la «poche» de gaz s’est malheureusement «dégonflée» d’elle-même par suite des dramatiques affaissements de terrain. Jérôme Bosch fait son entrée en Brabant. Le terme générique «République» doit son regain de vitalité à la mise en évidence (pars pro toto) d’un homme d’envergure, mais finalement tombé en disgrâce: le grand pensionnaire de Hollande - disons le président - Johan van Oldenbarnevelt. À l’inverse, la Querelle des Iconoclastes (1566) est promue à un rang plus général, celui de toute la période de la Révolte contre les Espagnols, qui ne s’est terminée qu’avec le Plakkaat van Verlatinghe (Abjuration) de 1581, acte majeur qui consacrait l’accession des Pays-Bas à l’indépendance et allait inspirer la Declaration of Independence américaine de 1776.

Remontant le temps au maximum, le canon préfère aux dolmens (3000 av. J.-C.) le squelette de Trijntje, qui date de 5500 avant Jésus-Christ. L’auteur de romans pour la jeunesse Annie M. G. Schmidt se maintient. Le mouvement artistique De Stijl passe à la trappe. L’histoire de l’esclavagisme conserve bien entendu toute sa pertinence, mais les Pays-Bas lient à présent leur population de couleur à la personne d’Anton de Kom, premier Surinamien à figurer au canon, écrivain anticolonialiste, activiste et héros de la Résistance qui périt au camp de concentration nazi de Neuengamme. Les travailleurs immigrés complètent ce tableau, tandis que le Surinam et les Antilles, à la suite de déplacements d’accent politiques, sont regroupés sous l’appellation de Région caribéenne.

https://www.canonvannederland....Vient enfin le sentiment orangiste, qui hérite de la dernière fenêtre, avec ce sens de l’appartenance, un «nous’ tellement plus fort aux Pays-Bas qu’en Flandre ou en Belgique. Un sentiment qui colore tout en orange le jour du roi et les rencontres sportives. Il faut dire que les Pays-Bas ont produit beaucoup de sportifs de haut niveau, que ce soit en course à pied, sur patins ou en football, de la finale du Championnat du monde 1974, où les Pays-Bas se sont inclinés face à l’Allemagne au terme d’une partie épique, jusqu’à la victoire des «Lionnes» en finale de l’Euro féminin 2017.

Et la Flandre?

Si à l’avenir un canon de Flandre voit le jour, les thèmes à réétalonner ne manqueront pas. Charlemagne, hebban olla vogala (première ébauche littéraire en ancien néerlandais), Marie de Bourgogne, Érasme, Charles Quint; et même le roi Guillaume Ier peut y être repris. Quant à la Querelle des Iconoclastes, désormais considérée comme l’amorce de la Révolte des Gueux, elle a débuté par un prêche improvisé en 1566 à Steenvoorde, situé à l’époque dans le comté de Flandre et aujourd’hui dans le nord de la France, en Flandre française ou dans les Pays-Bas français, comme vous voudrez. Je n’ai pas été peu surpris de lire dans le texte du canon «le village west-flamand de Steenvoorde». Comme en tout, il y avait mieux. Ou: le Bon Dieu est dans le détail.

www.canonvannederland.nl

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