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littérature

«Fenêtre, clé», un thriller psychologique de Robbert Welagen

5 septembre 2025 4 min. temps de lecture

Un deuil coïncidant avec une nouvelle histoire d’amour, c’est là la prémisse du roman de Robbert Welagen. Le Néerlandais offre avec Fenêtre clé un suspens sensible qui explore les tensions entre excitation et culpabilité. 

Neuvième roman de Robbert Welagen (°1981), Fenêtre, clé est son premier livre traduit en français. Historien de l’art de formation, Welagen a débuté en littérature en 2006 avec Lipari. Quelques-uns de ses romans ont été sélectionnés pour d’importants prix littéraires aux Pays-Bas, la critique saluant la clarté et la sobriété de son style ainsi que son habileté à ménager le suspense dans ses récits, tout en laissant le lecteur libre d’interpréter ou de reconstituer le fil de l’intrigue.

Un fâcheux concours de circonstances

Fenêtre, clé est construit à partir d’un double concours de circonstances: troublée par la présence d’Hanna, une journaliste venue l’interviewer à son domicile suite au succès obtenu par son premier roman, Karlyn, la narratrice de ce récit raconté à la première personne, se retrouve enfermée à l’extérieur. Alors qu’elle raccompagnait la journaliste et son équipe, un courant d’air a claqué derrière elle la porte de son appartement, la clé restée à l’intérieur et la fenêtre brusquement refermée. Grâce au portable d’une voisine, la jeune romancière pourra contacter Arne, son compagnon censé lui apporter un double des clés.  Partie à sa rencontre, elle arrive trop tard sur le lieu de l’accident de la circulation qui vient de coûter la vie à Arne. Au deuil de son ami viendra se greffer l’attirance inédite qu’elle éprouve pour la journaliste.

La narratrice découvre ainsi une nouvelle facette de sa personnalité, comme si elle pouvait vivre plusieurs vies, le chagrin le disputant au plaisir de la nouvelle rencontre. L’auteur expose par petites touches le conflit intérieur qui taraude désormais Karlyn: son sentiment de culpabilité renforce le vide existentiel qui fait suite à la mort d’Arne: «que se serait-il passé si (…) la camionnette ne l’avait pas renversé?» Cependant, la relation naissante avec une femme semble pouvoir lui ouvrir de nouvelles perspectives, elle qui refusait d’«être liée à une seule vision de la réalité».

Avec Fenêtre clé Robbert Welagen signe un roman sensible et pudique

La curiosité, l’excitation et la culpabilité s’entremêlent sans cesse, comme en témoigne le retour du motif de la clé: celle que Karlyn dérobe à son amante dans ce cas, afin de visiter l’appartement de la journaliste pendant son absence. La culpabilité finit par l’emporter: à l’aide d’une gomme, Karlyn efface les passages suggestifs soulignés par Hanna dans son exemplaire de Carol de Patricia Highsmith, un classique du roman lesbien.

Karlyn jettera aussi à la poubelle le chemisier que portait Hanna lors de leur première rencontre, prélude à l’enchaînement de circonstances fatal. Elle en fera de même avec le collier de la journaliste. Leur relation s’achève lorsque Hanna, de retour à l’improviste, prendra Karlyn sur le fait, occupée à gommer des passages soulignés dans les livres de sa bibliothèque.

Les amours éphémères d’une écrivaine et d’une journaliste autorisent l’auteur à introduire quelques réflexions sur l’écriture et à convoquer, en un jeu de miroirs avec l’intrigue de son roman, quelques classiques de la littérature contemporaine: Ne plus jamais dormir (Nooit meer slapen) de W.F. Hermans, dont un personnage disparu tragiquement se prénomme Arne, Le Liseur de Bernhard Schlink et sa mystérieuse Hanna, puis, en guise de clin d’œil au cinéma de suspense, un remake fantasmé par Karlyn, désirant effacer jusqu’à Hanna elle-même, de la fameuse scène de la douche dans Psychose de Hitchcock.

Une écriture thérapeutique

L’écriture finit par apaiser les tourments de Karlyn et la guérit du syndrome de la page blanche consécutif à la mort d’Arne. La dernière partie du roman parachève la mise en abyme suggérée par les allusions littéraires, lorsqu’il apparaît que tout le texte ne pourrait être que la quintessence du second roman tant attendu de Karlyn et de ses différents scénarios.

Et le roman de renvoyer en conclusion à une autre citation, attribuée à la célèbre écrivaine féministe néerlandaise Renate Dorrestein: «‟la littérature montre ce que ça signifie, être un humain”. Un humain qui vit quelque chose de spécifique, qui traverse une épreuve».

Brillamment traduit par Daniel Cunin, Fenêtre, clé est une agréable découverte, un roman sensible et pudique qui aborde avec empathie sentiments contradictoires et résilience, la littérature y dévoilant ses vertus thérapeutiques.

Robbert Welagen, Fenêtre, clé, traduction du néerlandais (Pays-Bas) par Daniel Cunin (titre original: Raam, sleutel), Gallimard, 2025.

Dorian Cumps

maître de conférences de littérature et culture néerlandaises à la Sorbonne

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