Le transfrontalier en débat à l’Hospice Comtesse
Un an après le numéro de Septentrion sur la question transfrontalière, les plats pays organisaient, en collaboration avec des partenaires flamands et français, le symposium «Convergences: le nord de la France et la Flandre en dialogue» à l’Hospice Comtesse de Lille. Trois thèmes étaient au programme des échanges: la coopération transfrontalière au quotidien, les attentes de la jeunesse, l’art et la culture comme liant. Ce qu’il faut en retenir.
© Tom Christiaens
La coopération transfrontalière est une nécessité
Évoquer la coopération transfrontalière au quotidien, c’est bien souvent lancer sur le débat de l’emploi! Ça n’a pas manqué mercredi après-midi à l’Hospice Comtesse de Lille. «Nous aurions un sérieux problème sans ce flux entrant de travailleurs français», a immédiatement reconnu Christof Dejaegher, maire de Poperinge, qui a aussi évoqué la multiplication des implantations d’entreprises belges en France, faute de foncier constructible disponible.
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Une nouvelle coopération devient essentielle: l’environnement à travers les questions de protection du littoral, de réchauffement climatique, de ré-ensablement, d’inondations, de protection des cours d’eau. C’est un «enjeu majeur, le plus grand des défis», a assuré Christine Gilloots, maire de Bray-Dunes.
Cette coopération est une obligation pour les territoires frontaliers, a par ailleurs rappelé le bourgmestre de Poperinge: «être à la frontière, c’est être toujours vers l’extérieur, dans un coin, où les moyens de l’État arrivent moins facilement. C’est une frustration que nous pouvons dépasser en travaillant davantage ensemble, de manière européenne. Tout en sortant des sentiers battus. Tourisme, culture, ça fonctionne bien, il faut discuter plus d’économie, d’administration, d’emploi, d’éducation, etc.»
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Mais elle affronte de nombreux obstacles
Plusieurs freins ont été évoqués durant les trois débats. Le premier, sans surprise, est celui de la connaissance de la langue de l’autre. Si les Flamands de Belgique sont plus nombreux à parler français que les Français néerlandais (et c’est un euphémisme!), il ressort que la pratique du français est en baisse chez les plus jeunes générations flamandes. La connaissance très partielle de la langue n’est toutefois pas forcément un problème dans le travail au quotidien, ont convenu les différents interlocuteurs, mais devient un frein dès que l’on aborde les domaines plus techniques, ou les questions administratives comme les contrats de travail, les démarches concernant la santé, etc.
L’apprentissage du néerlandais a d’ailleurs donné lieu à de nombreux échanges. Christof Dejaegher s’est ainsi attardé sur la concurrence entre néerlandais et le flamand de France, rappelant que l’ancien flamand avait bien moins d’utilité dans les échanges avec la Flandre belge que le néerlandais. «Ce vieux flamand est un dialecte qui est devenu une langue morte. Avec ce néerlandais-là, on ne peut plus rien faire en Flandre belge. Il vaut mieux apprendre à s’exprimer en néerlandais classique.»
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Un choix suivi par la famille Ducourant, présente dans le public, qui a fait le choix de scolariser ses enfants à Abeele, en Flandre belge. «C’est très facile en pratique, même si ça demande de la logistique et ça repose sur la volonté de quelques familles, a ainsi évoqué Emilie Ducourant, élue d’opposition à Bailleul. Mais nous n’avons jamais regretté ce choix. Il faut vraiment développer les écoles bilingues en Flandre française pour que les enfants de toute classe sociale aient accès à cette richesse de la langue néerlandaise».
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On retiendra aussi dans ce vaste débat l’intervention de Didier Samain, professeur émérite à la Sorbonne et associé à la Maison du néerlandais de Bailleul, qui a rappelé qu’il n’y a plus une seule chaire de néerlandais à l’université en France. «Il y en avait une à Lille, une à Paris, c’est perdu. À tous les niveaux, le problème se pose. Dans la région, moins de 1% des élèves apprennent le néerlandais. En Alsace, 95% des élèves apprennent l’allemand. Nous n’avons pas d’enseignants car nous ne pouvons pas les former… La situation du néerlandais est catastrophique en France».
Les obstacles administratifs sont aussi une réalité. Christof Dejaegher a ainsi pointé les –trop– nombreuses formalités pour les Belges qui veulent travailler en France ou avec la France. «Je pense que Belges sont moins exigeants quand les Français viennent travailler dans notre pays». Normes de sécurité différentes pour deux manifestations seulement séparées par quelques dizaines de mètres… mais une frontière, nécessité d’autorisations diverses et variées pour emmener de jeunes écoliers français à dix kilomètres de chez eux en Belgique, nombre d’écueils ont été évoqués.
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Dans le deuxième débat, consacré aux attentes de la jeunesse, Sophie Stanitz a donné un autre exemple éclairant. Après avoir fait ses études de néerlandais à l’université de Lille, car le parcours littéraire y était plus conforme à ce qu’elle attendait par rapport aux formations de Bruxelles ou Louvain, cette jeune Belge enseigne désormais dans son pays, mais affronte un vrai parcours du combattant pour obtenir une équivalence de diplôme. «Nord de la France et Belgique devrait mieux collaborer pour les études». Ce qui faciliterait évidemment la mobilité transfrontalière des jeunes.
Des initiatives qui fonctionnent
Depuis la fin d’été 2023, un bus pilote fonctionne entre Poperinge et Hazebrouck. Cette expérience mériterait d’être développée sur d’autres lignes, a convenu Christof Dejaegher. L’élu note d’ailleurs que la collaboration transfrontalière récemment initiée avec Hazebrouck est facilitée par la taille comparable des deux villes (20 000 habitants environ). La coopération n’est pas toujours évidente à mettre en œuvre si le voisin est beaucoup plus modeste.
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L’accompagnement est une clé majeure pour développer le sentiment transfrontalier. Nathalie Legros-Becuwe, directrice du Groupement européen de coopération territoriale West-Vlaanderen/Flandre-Dunkerque-Côte d’Opale a ainsi rappelé que toute initiative visant à rapprocher les demandeurs d’emplois du marché de l’emploi belge était bonne à prendre. Comme celle de la Maison de l’Europe à Dunkerque qui organise des ateliers mobilités depuis 2007. «Sur 2 500 personnes accompagnées, la moitié est allée voir ce qu’il se passait de l’autre côté de la frontière. Un tiers occupe un emploi aujourd’hui en Belgique flamande, tout en vivant en France. Toutes ces petites choses qui ne paraissent pas grand chose permettent d’amener les habitants à être mobiles et aller voir de l’autre côté».
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Un établissement qui n’a pas de mal à attirer les Belges, c’est le musée de Flandre à Cassel. 25 à 30% des visiteurs de 2023 venaient de Belgique. Le tout grâce à une communication efficace et des retours médias côté flamand. En toute logique, le musée casselois travaille de plus en plus avec l’autre côté de la frontière, a indiqué Cécile Laffon, sa directrice: «Lors des prêts d’œuvres, les musées belges sont souvent les premiers à répondre, la collaboration est parfois même plus simple qu’avec les musées français».
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Mieux communiquer sur l’autre côté, et dès le plus jeune âge
Une communication à améliorer, tel est l’un des grands enseignements de ces débats. Dans celui sur la jeunesse, Freya Lombaert et Sander Snauwaert ont souligné la difficulté à s’informer sur les écoles françaises depuis la Belgique… et leur choix d’étudier le français dans leur pays.
La communication doit être renforcée si on veut que la population s’empare de cet espace transfrontalier. «Il faut beaucoup plus communiquer sur ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière», a affirmé Christine Gilloots. L’envie n’est pas naturelle, par méconnaissance essentiellement». Illustration concrète dans à peine deux mois: La Panne et Bray-Dunes organisent une fête transfrontalière les 15 et 16 juin en ce sens afin de donner corps à leur jumelage.
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Ingrid Tahon, manager du Musée Paul Delvaux à Saint-Idesbald, est allée dans le même sens: «Dès le plus jeune âge, on doit faire prendre en compte le réflexe transfrontalier. Montrer que la frontière n’est pas infranchissable». Mais quand les gens traversent, il faut aussi encore savoir être attentif à la qualité de ce qu’on leur propose et à bien les accompagner. Bart Noels, journaliste, a ainsi milité lors du débat sur la culture pour de véritables expériences de médiation si l’on veut satisfaire ce public frontalier et lui donner envie de revenir.
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Cet événement était le fruit d’une collaboration entre les plats pays – Septentrion, le Département du Nord, la Provincie West-Vlaanderen, le Musée de l’Hospice Comtesse – Ville de Lille. Il a reçu l’appui de la Délégation de la Flandre en France.
Écoutez les échanges
Pour aller plus loin, (ré)écoutez une partie des échanges et allocutions prononcées lors de ce symposium.