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Un tango qui a de l’allure : le Nouveau centre néerlandais à Paris

Par Hans Vanacker, traduit par Jean-Marie Jacquet
29 avril 2019 6 min. temps de lecture

Lorsque, durant l’hiver 2013-2014, le prestigieux Institut Néerlandais de Paris a définitivement fermé ses portes, beaucoup se sont dit que cela signifiait la fin des cours de néerlandais qui étaient donnés, à différents niveaux, dans les locaux du 121, rue de Lille. Mais il est vite apparu que cette crainte n’était pas fondée. En 2014 déjà, Ed Hanssen, qui avait été professeur de néerlandais à l’Institut, créait à la même adresse le Nouveau centre néerlandais. L’enseignement de la langue néerlandaise allait tout de suite constituer l’activité principale de la nouvelle institution, qui fête cette année ses cinq ans d’existence.

Chaque année, ils sont des centaines à s’inscrire aux cours du Nouveau centre néerlandais (dorénavant NCNL). La plupart ont, de près ou de loin, une attache avec les Pays-Bas ou la Belgique (partenaire venant des Plats Pays, résident d’origine néerlandaise ou belge, amis, etc.). Mais on compte aussi parmi eux plusieurs historiens de l’art et d’autres amateurs qui, ayant ou non des difficultés à trouver un emploi en France, envisagent une carrière dans l’espace néerlandophone (dont certains jeunes qui souhaitaient initialement aller travailler en Grande-Bretagne et que le Brexit pousse à présent à mettre le cap sur les Plats Pays!). La possibilité est offerte deux fois dans l’année de participer à un cycle de cours collectifs d’une durée d’environ cinq mois pour un total de vingt-quatre heures d’enseignement.

Ces cycles se situent à sept niveaux. Il existe aussi des cours collectifs de six jours consécutifs (uniquement pour débutants) et des cours particuliers (individuels, semi-individuels et en groupe à tous niveaux et cadences). Tous les cours sont donnés par des formateurs de langue maternelle néerlandaise: Ed Hanssen lui-même (qui est en même temps président du NCNL), l’historien de l’art et philosophe Jan-Willem Noldus et la traductrice juridique et générale Saskia Vos. Annuellement, le NCNL donne à ses propres élèves et à toute autre personne intéressée l’occasion de présenter l’examen permettant d’obtenir le Certificat de néerlandais langue étrangère en France. Le Certificat est un projet de la Nederlandse Taalunie (Union de la langue néerlandaise) à La Haye et est développé par la KU Leuven.

Depuis quelque temps, les cours du NCNL ne se limitent plus à la langue néerlandaise. Sont également organisés des entraînements aux pratiques professionnelles interculturelles, qui ont reçu pour titre Working with the Dutch. Une journée durant, les participants (chaque fois un groupe de douze personnes au maximum) découvrent les Pays-Bas au quotidien («géographie humaine» sur mesure) et se voient présenter divers modèles d’interculturalité qui émanent de spécialistes et qu’ils peuvent confronter à la pratique. Sans grande surprise, on constate que ces exercices sont très prisés au sein du personnel d’Air France.

Quiconque fait plus ample connaissance avec le NCNL sera surpris de sa large ouverture à tout ce qui touche à la culture. Le NCNL est bien plus qu’un centre où se donnent des cours. L’intérêt y est très marqué pour la littérature, comme en témoigne le Café littéraire qui se tient six fois par an. La formule est simple mais attrayante: une vingtaine de participants lisent un livre chez eux et viennent ensuite au NCNL en discuter en groupe. Un must, en quelque sorte, pour les personnes friandes de lecture qui s’intéressent à la littérature de langue néerlandaise.

La petite liste d’ouvrages retenus jusqu’ici paraît très intéressante. On n’y trouve pas seulement de grands classiques néerlandais et flamands (Louis Couperus, Willem Elsschot, Harry Mulisch, Hugo Claus), mais aussi des auteurs contemporains comme Stefan Hertmans et (tout récemment) Chris de Stoop. Seule condition stricte: le livre doit être disponible en traduction française.

Le NCNL sait apprécier à sa juste valeur la traduction littéraire; il le prouve par les ateliers qu’il organise annuellement. Les participants, au nombre de seize au maximum, reçoivent tous à traduire les mêmes extraits d’un livre. Ils se réunissent ensuite durant deux journées au Centre, où, sous la direction de l’éminente traductrice Isabelle Rosselin, ils confrontent leurs travaux et en débattent de manière approfondie. Le résultat final a presque toujours été repris dans Septentrion. Parmi les participants à ces ateliers, quelques-uns se sont déjà fait connaître dans le petit monde de la traduction littéraire; citons, au hasard, Sandrine Maufroy, Françoise Antoine, Emmanuelle Tardif et Guillaume Deneufbourg.

Les cours-conférences «art et culture des Pays-Bas» semblent également avoir la cote. Ils ont lieu à raison d’une dizaine par an et sont donnés (en français) par Jan-Willem Noldus, que nous avons déjà mentionné. Devant un auditoire de trente à quarante personnes en moyenne, Noldus a notamment parlé de Jeroen Bosch, des maîtres du «siècle d’or» néerlandais (le XVIIe) et de thèmes plus larges en rapport avec l’histoire de l’art. Indépendamment de ces cours-conférences, des sorties culturelles sont également organisées. Elles ont le plus souvent pour but la visite d’une exposition qui a directement ou indirectement pour thème les Plats Pays.

De l’extérieur, on pourrait avoir l’impression que le NCNL est en quelque sorte le successeur de l’Institut Néerlandais. Mais le nouveau centre n’organise pas d’expositions ni de débats sur des thèmes généraux de société et ne présente pas de programmes musicaux ou de cinéma au sens où on l’entend généralement. D’autre part, il n’a plus à sa disposition la bibliothèque riche et extrêmement variée de l’ Institut Néerlandais, encore que Ed Hanssen souhaite pouvoir, à terme, élaborer au sein du NCNL un véritable centre de documentation. Quoi qu’il en soit, une comparaison entre les deux institutions est inappropriée. Le NCNL doit en effet se contenter d’un effectif réduit (une personne à temps plein et deux à mi-temps) et d’un budget particulièrement modeste. Il ne dispose que d’un seul local en permanence au troisième étage du 121, rue de Lille. D’autres locaux lui sont occasionnellement accessibles en vertu d’une convention d’utilisation de locaux qui a été conclue avec l’ambassade des Pays-Bas à Paris. Cette dernière loue l’étage entier de la fondation Custodia (propriétaire de l’immeuble) et y a créé un Atelier néerlandais (une plateforme de l’ambassade des Pays-Bas à Paris pour les industries créatives). Le NCNL a pu bénéficier d’une subvention de lancement octroyée par la Nederlandse Taalunie (10 000 euros), mais fonctionne aujourd’hui sans aucune subvention. C’est notamment le succès des cours de néerlandais et de Working with the Dutch qui lui permet de mettre d’autres activités sur pied, en offrant parfois même la gratuité (le Café littéraire et les sorties culturelles).

Début 2014, Bram Buijze, qui s’était affirmé dans la diplomatie néerlandaise en qualité d’attaché culturel auprès de différents sièges, a rédigé un article à la suite de la fermeture de l’Institut Néerlandais. Buijze regrettait que les pouvoirs publics se montrent de moins en moins disposés à soutenir une politique culturelle ouverte et reposant sur une assise solide. Il craignait en outre que la fin de l’Institut ne soit pas de nature à inspirer aux autorités françaises un maintien à niveau de leur politique de présence culturelle aux Pays-Bas. Pour danser le tango, il faut être deux, martelait Buijze, et les événements n’allaient pas tarder à lui donner raison. En dépit d’une vive opposition dans les sphères culturelles, l’Institut français (l’ancienne Maison Descartes) à Amsterdam a, lui aussi, mis la clef sous le paillasson. Mais le Nouveau centre néerlandais de Paris a entre-temps rouvert des perspectives. Ed Hanssen et ses confrères ont foulé la piste de danse et ne semblent pas disposés à la quitter. Ils dansent le tango, d’un pas qui gagne de plus en plus en assurance.

contact@ncnl.eu
HV

Hans Vanacker

secrétaire de rédaction de Septentrion

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