«Une éruption libératrice»: Anja Meulenbelt lauréate du prix P.C. Hooft 2026
Le prix P.C. Hooft 2026 pour l’essai littéraire sera attribué pour la première fois à une femme: Anja Meulenbelt. Elle s’était imposée dès 1976 avec De schaamte voorbij, son livre le plus célèbre, qui continue de toucher de nouvelles générations. Toute son œuvre se caractérise par une position politique clairement assumée. Le jury qualifie ainsi son écriture de «directement engagée et consciemment subjective».
Anja Meulenbelt (Utrecht, °1945) a accueilli la nouvelle avec étonnement: «Ma première pensée a été: ce n’est pas possible, je suis bien trop controversée pour un prix comme celui-ci. Je suis rarement considérée comme quelqu’un qui compte véritablement sur le plan littéraire. En même temps, je sais que mon travail a bel et bien compté. Je sais qui a lu mes livres, ce qu’ils représentent pour ces lectrices et lecteurs. Et cela continue, car on assiste à une sorte de regain d’intérêt. Obtenir ce prix s’inscrit peut-être dans ce mouvement».
Un jury composé de Tijs Goldschmidt, Chris Keulemans, Christine Otten, Marjan Slob et Gijsbert Pols a proposé d’attribuer le prix P.C. Hooft 2026 à Anja Meulenbelt pour l’ensemble de son œuvre.
Le jury décrit l’œuvre de Meulenbelt comme «consciemment subjective»: «Meulenbelt est profondément consciente que toute description part d’une position située, d’un corps auquel on projette des significations fondées sur la classe, le genre, l’ethnicité, la santé, et d’un esprit soumis à des tabous, des idéologies et préoccupé par la vaisselle qu’il reste encore à faire», écrit-il. «La langue que Meulenbelt commence à élaborer dans De schaamte voorbij (Dépasser la honte, 1976) n’est donc ni distante, ni analytique, ni faussement neutre, mais directement impliquée, synthétique et délibérément subjective».
L’œuvre de Meulenbelt s’étend sur un demi-siècle et comprend livres, articles, conférences, discours, entretiens, pamphlets, billets et commentaires. Son autobiographie De schaamte voorbij lui a permis de percer en tant qu’autrice. Parallèlement, Meulenbelt a été active dans le mouvement des femmes et mené une carrière politique, notamment comme membre du Sénat pour le SP (Parti socialiste néerlandais).
Anja Meulenbelt en 2006 © Govert de Roos / SP / Wikimedia Commons
Dans les années 1980, Meulenbelt fonde, avec plusieurs autrices, le prix Anna Bijns, en réaction à la discrimination structurelle dont les femmes font l’objet dans l’attribution des prix littéraires. Qu’elle reçoive aujourd’hui elle-même le prix P.C. Hooft pour l’ensemble de son œuvre montre à quel point les temps changent.
«Le passé ne peut pas -comme Meulenbelt l’a sans cesse montré dans son œuvre- être corrigé, seulement assimilé, afin de rendre possible un avenir meilleur. La nomination de Meulenbelt se veut une éruption libératrice, une rupture salutaire qui ouvre un vaste champ de nouvelles possibilités», souligne encore le jury
Le jury considère De schaamte voorbij comme l’un des rares ouvrages résolument politiques et innovants des années 1970 qui, en 2025, n’ont rien de reliques poussiéreuses d’une époque révolue. De nouvelles générations continuent de s’y plonger. Il loue son «style direct, brut et scandé». «Qui tente d’en décrire la beauté trouvera plus aisément des comparaisons du côté de Janis Joplin que de Maria Callas, et des mots comme “étincelant” ou “énergique” plutôt que “raffiné”. Mais on ne pouvait guère attendre de raffinement dans un livre où tant de choses devaient être brisées, où tant de réalités jusque-là indicibles devaient enfin être nommées».
Meulenbelt aime toujours profondément son métier. Cet automne a paru Niet van gisteren. Memoires maar dan anders (Pas né d’hier. Des mémoires, mais différentes), ouvrage dans lequel le personnel demeure intrinsèquement politique.
«L’écriture a toujours été pour moi une manière formidable de garder un peu de cohérence dans ma vie. De comprendre où je me trouve et ce qui s’y joue. Je dis parfois que cela m’épargne un psychiatre. Ce qui me touche surtout, c’est de constater que beaucoup de personnes apprécient mon travail. On me dit souvent: “tu dis ce que je pense”, et je trouve que c’est un compliment splendide. Qu’on m’attribue aujourd’hui le prix littéraire le plus prestigieux des Pays-Bas, je n’aurais jamais pu imaginé cela».
Le Literatuurmuseum organisera la cérémonie de remise du prix P.C. Hooft en mai, autour de la date anniversaire de la mort de P.C. Hooft. Le prix est assorti d’un montant de 60 000 euros.








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