En Flandre, nous parlons d’objets perdus. Aux Pays-Bas, ce sont des objets trouvés. Et si, en ces temps étranges, nous faisions vraiment de la perte une trouvaille? Prenez par exemple les archives de «Ons Erfdeel vzw». On peut très bien y pêcher chaque semaine une pièce intéressante. Sans même qu’elle ait nécessairement un rapport avec le coronavirus. Une pièce, tout simplement, qui nous ouvre une nouvelle perspective sur les choses ou qui, après quelques années, acquiert une signification nouvelle. Bref, un objet trouvé.
Le tout premier numéro de Septentrion a paru en 1972. Il a commencé par un coup de feu. C’est André Malraux (1901-1976) en personne, écrivain, héros de la résistance et homme politique aux côtés de Charles de Gaulle, qui a écrit l’article d’ouverture: un essai sur le personnage Arthur Ducroo, tiré du roman Le Pays d’origine (1935). Ce livre autobiographique d’Eddy du Perron, ami de Malraux, est le plus important roman néerlandais de l’entre-deux-guerres.
Ducroo, l’alter ego de Du Perron, se demande qui il est. Il décrit sa vie à Paris en 1933 et les années qu’il a passées sur l’île de Java, dans les Indes orientales néerlandaises (où il a grandi). Il vit dans et entre ces deux mondes: non qu’il écrive le livre de l’homme qui change de civilisation. «Livre que nul n’a écrit, et dont T.E. Lawrence disait que nul ne peut l’écrire: «On cesse d’être Anglais, et on ne devient pas Arabe». Sans doute, à devenir Arabe, perdrait-on les moyens d’exprimer comment on fut Anglais. Des quelques récits de conversions qui ont exprimé Ia foi trouvée, lesquels ont exprimé la foi perdue? Arabe, Lawrence n’eût hanté personne… C’est d’être aussi étranger a la confrontation qu’á la métamorphose et à la conversion, c’est de ne jamais devenir tout à fait Européen, n’ayant jamais été Javanais, qui donne quelquefois à Ducroo son accent de Candide désincarné.»
Tolle et lege.