Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

Johannes Decat: Ce que les traits ne racontent pas
© Nationaal Archief, La Haye, Inv.nr 2.21.006.49 - 31 / Marianne Hommersom
© Nationaal Archief, La Haye, Inv.nr 2.21.006.49 - 31 / Marianne Hommersom © Nationaal Archief, La Haye, Inv.nr 2.21.006.49 - 31 / Marianne Hommersom
Jeunes voix sur l'esclavage
Littérature
Histoire

Johannes Decat: Ce que les traits ne racontent pas

18 jeunes écrivains de Flandre et des Pays-Bas donnent la parole à un objet de l’exposition Slavernij (Esclavage) du Rijksmuseum à Amsterdam. Dans un poème, Johannes Decat donne la parole aux traits tracés dans un livre de comptes de 1822 de la plantation Novo Sion au Brésil.

Ce que les traits ne racontent pas

Nous inscrivons,
Un jour de juillet de l’année 1822, au Brésil
Nous rapportons
Cœur de palmier, canne à sucre et banane plantain
Nous sommes
des traits de plume,
échines redressées à l’horizon,
vibrations dans l’air chaud
Nous sommes des traits d’encre
Du pigment brûlé
Nous sommes le mètre, nous
battons la mesure

Ce livre de comptes ne doit pas rimer,
il doit seulement être juste

Nous ne sommes que des ombres
mesurées, garnies, cochées, jadis
nous labourions le champ, nous
avancions dans la terre argileuse, cueillions des fruits curieux,
mais sans nous enrichir, nous
sommes des traits,
à peine une épine dorsale.

Nos bourreaux sont entrés dans les livres.
Ils nous révèlent qui ils étaient. Ce qu’ils faisaient. Ce qu’ils écrivaient.
Ils nous révèlent comment ils mourraient
de la syphilis, d’une pneumonie, d’alcool et/ou de solitude.

De nous, il ne reste que des traits

Nous sommes
des incantations. Des carcans en cadence.
Nous n’arrêtions jamais.
Nous avons commencé il y a bien trop longtemps et poursuivons notre course.
Ensemble nous formons un fossé étiré

On nous a donné des camisoles de force neuves sur mesure.
Nous sommes devenus bits et bytes, coulés en systèmes binaires.
En fichiers Excel.
Nous sommes les chiffres bruts que nul ne veut entendre, nous sommes
la recherche d’un emploi, d’un logement, nous sommes
du tragique treillagé
Nous sommes essoufflés hors d’haleine et
dans les manifs les caméras ne montrent pas les mots sur nos pancartes, mais
une poignée de pierres et des vitrines brisées et
nos voix sont autant d’échos étouffés et
vos représentations ne nous représentent pas, nous
sommes des traits
nous inscrivons, rapportons
le vingt et unième siècle
nous sommes
des traits de plume,
échines redressées à l’horizon,
vibrations dans l’air chaud

Ce texte a été écrit dans le cadre d’un projet de résidence de la maison néerlando-flamande deBuren en collaboration avec la fondation Biermans-Lapôtre.
Série

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