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La région par excellence du vélo: pas les Pays-Bas, mais la Flandre

Par Anouk van Kampen, traduit par Faculté de traduction VTC-UGent
18 juin 2025 5 min. temps de lecture

Même si les Flamands sont obsédés par le cyclisme, au quotidien, ils sont plutôt accros à la voiture qu’à la bicyclette. C’est du moins ce que pensait la Néerlandaise Anouk van Kampen, jusqu’à ce qu’elle découvre que la Flandre était en train de rattraper son retard. 

Lors d’une émission de Vive le Vélo sur la chaîne publique flamande VRT, le présentateur et les invités se demandaient comment faire pour que le Tour de France continue à intéresser les spectateurs. Les jeunes générations regardent de moins en moins la télévision, et on craint que les jeunes se lassent en regardant les longues étapes où des hommes pédalent coude à coude pendant des kilomètres dans un paysage certes magnifique. Un invité a proposé de rendre le Tour plus attractif à l’écran en raccourcissant les étapes ou en ne diffusant que la dernière demi-heure en direct.

Outre le fait que l’heure de grande écoute ne se prête pas vraiment à ce genre de considérations –je garderais plutôt ces discussions pour la réunion interne du lundi matin–, je crois que la VRT n’a rien à craindre. S’il y a bien un endroit où il n’y a pas de raison de s’inquiéter de l’audimat, c’est bien au bureau de la rédaction cyclisme de la chaîne flamande.

J’ai toujours cru venir du pays du vélo. En effet, les Pays-Bas comptent plus de vélos que d’habitants: 23,4 millions de bicyclettes pour une population de 17,5 millions d’habitants. Un pays où l’on recense 35 000 kilomètres de pistes cyclables, où l’on compose des chansons parlant de porte-bagages et où il est permis d’insulter les touristes lorsqu’ils vous freinent dans votre lancée.

Un grand malentendu

Il s’agit d’un grand malentendu, car la véritable région du vélo, c’est bien la Flandre, et non pas les Pays-Bas. Toutefois, précisons qu’en Flandre, il ne s’agit pas tant d’un moyen de transport pratique permettant de se rendre d’un point A à un point B sans polluer, mais plutôt d’un sport qui fait suer sang et eau: le cyclisme.

J’ai toujours pensé qu’il me suffisait de regarder quelques épisodes du Tour en somnolant pour saisir l’essentiel de ce sport. Mais depuis que je vis en Flandre, j’ai découvert tout un univers qui m’avait échappé, et aujourd’hui, que je le veuille ou non, le cyclisme n’a plus de secrets pour moi: les pavés, les classiques et le Quaremont, je connais. Je sais ce qu’est un équipier, un grimpeur, un leader. Je connais aussi par cœur le nom de coureurs comme Eddy Planckaert, Wout Van Aert, Remco Evenepoel, Lotte Kopecky et bien sûr, le héros Eddy Merckx, dont on préfère oublier les affaires de dopage.

J’ai découvert que la «Grand-messe» de l’année était non pas le Tour de France, mais bien le Tour des Flandres. Ou comme l’a qualifié l’ancien coureur Tristan Hoffman dans le quotidien néerlandais De Limburger: «L’Elfstedentocht belge» (le Tour des onze villes), en référence à la célèbre course sur les canaux gelés organisée annuellement aux Pays-Bas, mais dont la dernière édition a eu lieu en 1997 alors que, jusqu’ici, le Tour des Flandres a eu lieu chaque année, y compris pendant le Covid.

Si un soir, au café, vous vous aventurez à suggérer que le cyclisme est un sport ennuyeux, on vous rétorquera que tout spectateur attentif sait apprécier le jeu tactique qui se déroule pendant des heures entre les équipes et vous aurez droit à un exposé détaillé des différentes stratégies utilisées. Et alors qu’ailleurs les audiences diminuent, en Flandre, c’est loin d’être le cas: ces dernières années, plus de Flamands que jamais ont suivi les classiques de printemps. L’enthousiasme flamand pour le cyclisme a même rendu superflue la nouvelle série Netflix «Tour de France: Au cœur du peloton» qui devait rendre le cyclisme plus passionnant, à l’instar de ce que «Pilotes de leur destin» a fait pour la Formule 1.

Le cyclisme est populaire en Flandre, mais le manque d’infrastructures adéquates rend la vie difficile aux deux-roues

Si seulement cette obsession pour le cyclisme se traduisait par une même obsession pour le vélo comme moyen de transport, me suis-je souvent dit. Mais le cyclisme a beau être populaire en Flandre, le manque d’infrastructures adéquates rend la vie difficile aux deux-roues. En effet, à peine 5 pour cent des pistes cyclables répondent aux normes de sécurité. Il est vrai qu’en 2021, ces normes ont été considérablement renforcées, mais cela n’empêche pas qu’avant ces nouvelles restrictions, seulement 47 pour cent des pistes cyclables étaient conformes aux directives. Il n’est donc pas surprenant que le mot moordstrookje (littéralement, voie mortelle), qui désigne une piste cyclable étroite et dangereuse aménagée le long d’une route très fréquentée, ait été choisi mot de l’année 2018.

Les Flamands ont beau être passionnés de cyclisme, ils restent accros à leur voiture. Ainsi, pour rendre les impôts élevés quelque peu acceptables, la Belgique a prévu une série d’avantages fiscaux, notamment pour les voitures de fonction. Cette décision a rencontré un vif succès (si du moins l’objectif était de subventionner la pollution). En effet, en Belgique, un quart des salariés dispose d’une voiture de fonction. Les tentatives pour supprimer ces voitures ou pour en réduire la proportion échouent invariablement. Les plans de mobilité, visant à la fois à exclure les voitures des centres-villes et à augmenter l’espace pour cyclistes et piétons, rencontrent régulièrement des résistances. Ils font face à un lobby actif d’automobilistes qui souhaiterait conserver les autoroutes et les parkings aménagés dans les villes dans les années 1960.

Un renversement de tendance

J’avais presque perdu espoir, jusqu’au jour où j’ai consulté les chiffres. Selon une étude effectuée en 2020, soixante-cinq pour cent des déplacements en Flandre se faisaient en voiture contre 15 pour cent à vélo. Ces chiffres avaient peu changé depuis 1994, l’année où cette étude avait été effectuée pour la première fois.

Par contre, une étude menée en 2023 montre un net renversement de tendance. En effet, dix-huit pour cent des déplacements se font désormais à vélo et vingt-deux pour cent des personnes préfèrent utiliser le vélo pour se rendre au travail. Ainsi, la Flandre est en train de rattraper les Pays-Bas, où le vélo représente au moins un quart des déplacements, malgré une légère baisse notée entre 2018 et 2022. Entretemps, le mot «moordstrookje» pourrait aussi être utilisé aux Pays-Bas, étant donné qu’en 2022, le nombre de cyclistes tués y était le plus élevé depuis vingt-sept ans.

La loi du désavantage de la longueur d’avance gagnerait-elle du terrain chez les voisins du Nord? Espérons que leur obsession pour la Formule 1 et pour Max Verstappen ne se traduise pas par un amour encore plus profond pour la voiture en tant que moyen de transport.

Texte traduit par les étudiants du master en traduction de l’UGent, dans le cadre du séminaire donné par la professeure Brunehilde Ammann. Les étudiants suivants ont participé à la traduction: Stijn Debar, Elise De Beule, Lucas Demeyer, Yulin Leroy, Fatima Rhourdou, Fabian Vanassche, Lola Van de Eede, Anna-Clara Van de Velde, Fé Van Landeghem, Floris Vereecken.

Anouk van Kampen

journaliste

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