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L’histoire mouvementée des Néerlandais et de leur vélo

Par Derek Blyth, traduit par Faculté de traduction VTC-UGent
1 septembre 2023 4 min. temps de lecture Les Plats Pays inusités

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les Néerlandais sont si attachés à leur vélo? Derek Blyth, journaliste britannique, nous explique pourquoi. «La plupart des gens pensent que tout Néerlandais digne de ce nom a toujours roulé à vélo. Mais l’histoire du vélo aux Pays-Bas est bien plus compliquée qu’il n’y paraît.»

En montant sur un vélo à la sortie de la gare centrale d’Utrecht, j’ai peiné à trouver mon équilibre. Mais une fois lancé dans le flot de cyclistes, quel bonheur de sillonner la ville à vélo, de m’arrêter pour prendre un café ou pour jeter un coup d’œil dans une librairie.

«Oui, mais c’est différent aux Pays-Bas», rétorqueront mes amis britanniques quand je leur décrirai les joies du vélo.

Dans un sens, ils n’auraient pas tort. Il n’y a pas plus cyclistes que les Néerlandais, pas même les Danois. Selon les dernières statistiques, on compte 1,3 vélo par habitant aux Pays-Bas. Les Néerlandais parcourent un total de 15 milliards de kilomètres par an sur environ 35 000 kilomètres de pistes cyclables.

La plupart des gens pensent que tout Néerlandais digne de ce nom a toujours roulé à vélo. Mais l’histoire du vélo aux Pays-Bas est bien plus compliquée qu’il n’y paraît. Dans les années 1960, les Néerlandais se déplaçaient comme tous les habitants des autres pays industrialisés. Ils roulaient tous en voiture et se garaient n’importe où.

Puis sont venues les élections municipales de 1965 à Amsterdam. Le politicien du mouvement radical et contestataire Provo, Luud Schimmelpennink, a remporté un siège au conseil municipal. Ingénieur de formation, il souhaitait réduire le nombre de voitures en ville et introduire des alternatives plus écologiques et moins dangereuses pour les usagers vulnérables. C’était l’occasion pour lui de mettre en pratique ses idées.

Peu de temps après son élection, Luud Schimmelpennink proposait le «Plan Vélo blanc», selon lequel la ville mettrait à disposition de tous 22 000 vélos blancs dans les rues. Quiconque souhaitant se déplacer pouvait simplement utiliser l’un de ces vélos gratuitement. Ce projet visait également à bannir les voitures du centre-ville et à accroître la fréquence des transports en commun.

Toutefois, la proposition de Schimmelpennink a été rejetée par le conseil municipal. Mais les Provos n’ont pas baissé les bras pour autant: en juillet 1965, ils ont peint plusieurs dizaines de vélos en blanc et les ont laissés en libre-service dans les rues. La police les a saisis immédiatement car la loi impose que les vélos parqués sur la voie publique soient attachés.

Les Provos ont riposté en volant plusieurs vélos de la police. Lorsque celle-ci leur a restitué les vélos blancs, les Provos les ont équipés de cadenas à combinaison mais ils ont peint le code sur le cadre.

Au début des années 1970, la culture automobile était aussi dominante aux Pays-Bas qu'elle ne l'était en Allemagne ou en France

Le «Plan Vélo blanc» est tombé à l’eau en quelques semaines. Avant la fin de l’été, tous les vélos avaient été volés et repeints, ou jetés dans un canal. Les vélos gratuits ont disparu pour de bon des rues d’Amsterdam. Toutefois, les visiteurs du parc national Kröller-Muller peuvent encore toujours utiliser des vélos blancs gratuits.

Le fiasco des vélos blancs a marqué un tournant dans l’histoire de la mobilité aux Pays-Bas et contribué au cynisme de la société néerlandaise. Au début des années 1970, le concept d’une mobilité durable était tombé dans l’oubli et la culture automobile était aussi dominante aux Pays-Bas qu’elle ne l’était en Allemagne ou en France.

Cependant, les villes néerlandaises n’ont pas été conçues pour les voitures. Elles ont principalement été aménagées au XVIIe siècle, époque où le transport des personnes et des marchandises s’effectuait par bateau. Les rues étroites étaient donc constamment encombrées par les voitures, tandis que les trottoirs faisaient office de places de stationnement. La solution peu imaginative du gouvernement a été d’élargir les routes en démolissant des maisons et en créant des parkings sur les places des villes.

Qu’en est-il des Néerlandais dignes de ce nom? Au début des années 1970, le nombre de morts sur les routes néerlandaises était effroyable. Rien qu’en 1971, le trafic a fait 3 300 morts, dont 400 enfants de moins de 14 ans. Finalement, la population est descendue dans les rues. Les manifestants ont bloqué le trafic en s’allongeant sur les routes, peint des symboles de bicyclettes là où ils voulaient qu’on aménage des pistes cyclables et brandi des banderoles avec pour message Stop de Kindermoord, soit Arrêtez les meurtres d’enfants.

La crise pétrolière de 1973 a incité les autorités à se pencher sur la question. Dans l’optique d’économiser du carburant, le gouvernement a commencé à instaurer des dimanches sans voitures. Ceux-ci ont permis aux habitants de découvrir une nouvelle facette de leur ville. En 1975, le pétrole coulait de nouveau à flots, mais on a continué à remettre la culture automobile en question. La Haye et Tilburg ont aménagé des pistes cyclables et Delft a créé un réseau cyclable. De plus en plus de personnes ont adopté le vélo dans ces villes, amenant le gouvernement à mettre en place une politique nationale en la matière.

Par conséquent, le nombre d’enfants tués sur les routes néerlandaises n’a cessé de chuter au fil des ans, passant de 400 en 1971 à seulement 14 en 2010. Le Massacre des Innocents avait pris fin. La révolution cycliste était lancée.

Cet article a été traduit pas Laurène Bourguignon, Lise Bouyer, Costin Tissinier, Camille Delaunoy, Léa Vernhes et Lola Broussy dans le cadre du cours de traduction donné par la professeure Brunehilde Ammann à UGent.
Derek Blyth

Derek Blyth

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