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Meskerem Mees, la révélation folk venue de Flandre

11 mars 2022 6 min. temps de lecture

Avec sa guitare acoustique, sa voix éthérée et ses textes empreints de poésie et d’allégories, la Flamande d’origine éthiopienne est apparue comme un enchantement avec Julius. Un premier album folk pop, puisant aux racines de la musique américaine, dans une ambiance épurée et intimiste. Aujourd’hui, la solaire Meskerem Mees multiplie les récompenses, les concerts et les tournées, tout en sortant son nouveau single «Where I’m from». Rencontre.

Depuis son apparition sur les ondes, cette comète de 22 ans ne cesse de conquérir le public, les médias et les festivals. Son premier single, «Joe», la propulse n°1 du classement de la radio flamande Studio Brussel et c’est l’effet boule de neige. La sortie de son premier album Julius, édité par Mayway Records, confirme l’essai. Treize ballades folk pop d’une beauté intemporelle qui mettent en émoi, raflant toutes les récompenses sur leur passage.

Après le Talent Award du prestigieux Montreux Jazz Festival en Suisse et les Grands Prix du Humo’s Rock Rally en Belgique et du Music Moves Europe Awards, qui célèbre l’émergence musicale européenne, l’autrice-compositrice-interprète est nommée dans quatre catégories pour les Music Industry Awards de la VRT (radio et télévision flamande) attendus fin avril. Passée entre-temps par l’Eurosonic aux Pays-Bas et le MaMA festival à Paris, Meskerem Mees est partout. Il n’en fallait pas plus aux organisateurs du Printemps de Bourges et des Francofolies de La Rochelle pour l’ajouter, comme une évidence, à leurs nouvelles programmations.

Naissance d’une conteuse

Elle a le visage souriant empreint de douceur, ce regard émerveillé et cette petite voix douce qui vous berce. Née en 1999 à Addis-Abeba, en Éthiopie, trouvée dans la rue par une personne qui la dépose à l’orphelinat, Meskerem Mees
est adoptée à l’âge de dix mois par un couple belge qui l’emmène vivre à Merendree, un petit village en Flandre-Orientale, à quelques kilomètres de Gand. Un début d’existence déjà chargé d’émotions.

Elle grandit ainsi dans une ferme, avec des moutons, des poulets, des cochons (Lizzy et Babeth) et un âne (Julius), qui a les honneurs d’être le titre de son premier album et de figurer sur la pochette. Un petit coin de nature, isolé de l’activité urbaine, qui lui a notamment permis de supporter ces deux années de pandémie. «Grandir dans cet environnement tranquille a défini ma personnalité car je suis une rêveuse, j’ai la tête dans le ciel en permanence», annonce-t-elle en riant avant de renchérir: «Je suis une amoureuse à l’extrême et désespérément romantique.»

Des propos dont on ne s’étonne guère à l’écoute de ses perles dévoilées successivement, se déployant dans des arrangements folks délicats et dépouillés. Les clips et les pochettes, qui les accompagnent, sont à l’avenant. La jeune polyglotte, qui parle le néerlandais, l’anglais, le français –appris à l’école et via Netflix– et qui commence à apprendre l’allemand, célèbre en effet l’art du storywriting, jouant avec les mots et leur musicalité. C’est avec son premier single, Joe, qu’elle ouvre le bal en 2020, emballant totalement la sphère musicale. Ce morceau s’inspire d’une chanson du Britannique Johnny Flynn qu’elle aime beaucoup, centré sur l’histoire d’un homme errant.

En 2021, l’album Julius sort dans les bacs et c’est la consécration, se hissant au sommet des charts. Le magazine de musique Consequence of Sound aux États-Unis et la radio FIP en France tombent sous le charme. Ces treize titres, à l’aune des plus grands artistes folk, subliment la sensibilité à fleur de peau et la maturité étonnante de la jeune Flamande: «Cet album est né quand j’étudiais la musique et les arts, comme la danse, le théâtre, la peinture, dans une école secondaire internationale au Danemark. Car pour la première fois, je montrais mes chansons aux autres. Jusqu’alors, je n’écrivais que pour moi.»

À l’état pur

Cet amour de la musique folk, blues et jazz lui vient de son père, son «héros»: «J’ai grandi en écoutant Bob Dylan, Joni Mitchell, Nina Simone, Lead Belly, Blind Blake… À l’âge de 8-10 ans, cela m’a transcendée», s’enthousiasme-t-elle. «J’aime ce qu’il écoutait, car c’est honnête, simple, et je suis comme ces artistes, envahie de pensées existentielles. Ces chansons me donnent des réponses, me réconfortent. Aujourd’hui, on écoute et consomme beaucoup de musique à la radio, mais peu restent en nous. Celles de mon père sont intemporelles et ancrées en moi. C’est ce que j’essaie de créer à travers mes chansons, qu’elles ne se définissent pas dans le temps.» Adolescente, Meskerem Mees a ensuite puisé du côté de chez Kurt Cobain, dont elle a repris à la guitare «Smells Like Teen Spirit», et d’autres chanteurs-compositeurs comme Jeffrey Lewis, Laura Marling, Kimya Dawson et Jade Bird.

Dans son processus créatif, cette prodige fait place royale à l’émotion: «C’est ma mission quand j’écris une chanson: transposer mes ressentis, mes pensées, l’atmosphère des situations que je vis. Ensuite, je prends ma guitare, je cherche une mélodie et j’essaie de construire une histoire autour. La musique me vient toujours plus facilement que les mots.» Mais ce qu’elle veut avant tout, c’est être elle-même: «La musique est en surproduction, beaucoup de choix et de sons différents. Je veux représenter quelque chose de plus simple. Mon style est épuré, il s’agit seulement de ma voix et de ma guitare acoustique. Pour moi, une chanson est réussie quand elle est le reflet de la personnalité de l’artiste.»

Poésie et allégories

Ses tranches de vie personnelles et émotionnelles viennent ainsi confirmer le statut d’autrice de cette jeune créatrice, qui a préféré délaisser le rigorisme du Conservatoire. «The Writer» évoque la place de l’écriture, «Seasons Shift»
sonde les relations, «Queen Bee»
dévoile ses facettes plus rock’n’roll. À travers «Astronaut», elle se rêve flottant dans l’espace. Avec «Man of Manners», elle se réapproprie le protest song racontant l’histoire d’un frère de 18 ans envoyé combattre une guerre qui n’est pas la sienne. De ses mélodies se dégage une telle sincérité, sobriété et sensibilité qu’elles nous happent. Les arpèges sont inspirés, les rythmiques alternées et les quelques silences bien posés. Le tout saupoudré d’un zeste de violoncelle de son amie Febe Lazou, avec des ajouts, çà et là, de son producteur Koen Gisen, devenu son second père de substitution.

En 2022, Meskerem Mees revient nous séduire avec ses riffs dans son nouveau single «Where I’m From»,
toujours issu de l’album, s’offrant un clip à la touche gondrienne. S’il n’évoque pas son Éthiopie natale, il dépeint ce «monde merveilleux qui se trouve dans l’imagination et la fantaisie» de cette jolie conteuse. D’ailleurs, quand on lui demande si elle éprouve le besoin de retrouver ses parents biologiques, elle répond tout de go: «Je sais qui je suis et d’où je viens. C’est à travers ma musique que les gens peuvent savoir qui je suis vraiment.»

Celle qui vit désormais à Gand, dont elle apprécie la qualité de vie, a un planning bien rempli. Accompagnée de son nouveau violoncelliste, Frederik Daelemans, elle sera en concert au Pop-Up du Label à Paris le 17 mars, à Bruxelles en avril et en tournée un peu partout en Europe. Mais avant de se projeter dans son prochain album, Meskerem Mees souhaite également développer des collaborations avec d’autres artistes. À l’exemple du groupe de jazz d’inspiration éthiopienne Black Flower, avec lequel elle a chanté sur la scène de l’Ancienne Belgique à Bruxelles. Un début de carrière fulgurant donc et dont on lui espère autant de grandeur.

Pour toutes les dates de ses concerts, on peut consulter son site web ICI.
Nathalie Dassa

Nathalie Dassa

journaliste

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