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société

Pays-Bas-Belgique: des cultures de la voiture opposées

Par Anouk van Kampen, traduit par Faculté de traduction VTC-UGent
21 août 2025 5 min. temps de lecture

Se garer bon marché, voire gratuitement, est considéré par les Flamands comme une évidence, particulièrement quand c’est devant chez eux. Mais s’ils se comparaient avec leurs voisins du Nord, ils découvriraient que le gouvernement belge continue de chouchouter les automobilistes de toutes les manières possibles. Et ce, même dans des villes comme Gand où le parti écologiste Groen participe à la gouvernance, écrit Anouk van Kampen, journaliste néerlandaise installée en Flandre.  

Une femme avec qui j’avais entamé une conversation au marché de Gand m’a confié qu’elle avait voté pour le parti vert Groen aux élections communales d’octobre 2024. Selon elle, il faut agir contre le manque de logements sociaux. Elle trouve important de protéger l’environnement et elle soutient les plans de circulation instaurés par le gouvernement, même si leur mise en œuvre aurait pu se dérouler mieux à certains endroits. Elle a toutefois ajouté avec indignation, à propos du parti qui gouverne à Gand aux côtés des libéraux et des sociaux-démocrates ces dernières années, «je reproche quand même à Groen sa tentative ratée qui visait à supprimer la carte de stationnement gratuit pour riverains. 250 euros de frais de stationnement chaque année, comment voulez-vous que je paie un montant pareil?»

Peu après mon arrivée en Belgique, j’ai vite remarqué que les Belges étaient fous de leur voiture. Vous voulez passer une soirée au cinéma dans le centre de Bruxelles? Prenez la voiture. Muni d’un billet de cinéma, vous payerez moins cher votre place de parking. Vous achetez une maison? La proximité d’une autoroute ne représente pas un inconvénient mais plutôt un avantage, puisque vous pourrez prendre la route sans perdre de temps. Une entreprise vous offre un contrat de travail? Elle a intérêt à inclure une voiture d’entreprise de luxe dans son contrat. En 2023, les Néerlandais ont conduit en moyenne 11 200 kilomètres, alors que les Belges ont dépassé la moyenne européenne avec leurs 13 350 kilomètres. Un chiffre surprenant vu que dans ce petit pays, la majorité des Belges ne traverse pas la frontière linguistique.

Il faut évidemment pouvoir garer sa voiture quelque part. L’idéal est de pouvoir la garer chez soi. C’est pourquoi les maisons bel-étage, qui ont un garage au rez-de-chaussée, sont si appréciées en Belgique. Et si ce n’est pas possible, les Belges préfèrent se garer gratuitement juste devant chez eux, qu’ils habitent en ville ou ailleurs. Je crains bien que le droit au stationnement gratuit n’arrive dans le top dix, si je sondais les Belges sur leurs droits humains fondamentaux. En tout cas, un véritable sondage réalisé l’année dernière par la chaîne publique flamande VRT a révélé que six Flamands sur dix souhaitent pouvoir se garer gratuitement dans leur commune. Ils estiment également que les places de stationnement en centre-ville doivent être maintenues. À peine 14 % des Flamands jugent normal de devoir payer pour se garer.

Il faut dire que d’une certaine manière je comprends pourquoi les Belges sont si attachés à leur voiture. Lorsque je venais de m’installer en Belgique et que j’ai dû effectuer mon premier reportage dans une entreprise, j’ai dû marcher trois quarts d’heure depuis la gare: le bâtiment était tout simplement inaccessible en transports publics. En raison de la fragmentation de l’espace, de nombreux Belges vivent dans des endroits où aucun bus ne passe; les entreprises sont généralement plus proches de l’autoroute que de la gare.

De plus, le système fiscal belge rend les voitures de société non seulement avantageuses, mais il pénalise aussi le fait de ne pas en avoir, il est donc très tentant d’en prendre une. Apparemment, les Belges n’ont pas peur de subir les interminables embouteillages, car grâce à la carte de carburant qui accompagne la voiture de société, ces kilomètres sont gratuits pour beaucoup d’entre eux, contrairement au train. Il est donc difficile de résister à la voiture lorsqu’elle se trouve gratuitement sur le pas de la porte.

Bien intégrée

Après avoir vécu plus de sept ans en Belgique, je me suis récemment rendu compte à quel point j’étais bien intégrée. Après une soirée passée au restaurant dans le centre d’Amsterdam, j’ai été choquée de devoir débourser plus de 50 euros pour quelques heures de stationnement. J’avais déjà oublié que le stationnement n’était pas un droit acquis, mais un privilège.

La place de parking gratuite est en réalité financée par chacun d’entre nous; c’est de l’argent perdu qui pourrait être utilisé pour financer le transport public

Se trouver soudain obligé de cracher 250 euros par an pour ce qui, jusqu’alors, semblait gratuit, ce n’est pas juste. Mais en réalité, votre voiture n’est pas garée gratuitement près de chez vous. Tout comme la voiture de société bon marché, la place de parking gratuite est financée par chacun d’entre nous. C’est de l’argent perdu qui pourrait être utilisé pour financer des arrêts de bus près de chez vous, des trains low-cost ou de nuit, ou des plateformes de covoiturage.

À Amsterdam, selon le quartier dans lequel l’on habite, la demande d’une carte de stationnement prend facilement entre 3 mois et quelques années. De plus, elle vous coûtera parfois plus de 600 euros par mois. À certains endroits, la ville ne prévoit même pas de cartes de stationnement. En effet, comme l’explique la municipalité: «Notre ville est en pleine expansion et nous devons limiter le nombre de voitures stationnées dans les rues. Pour la construction de nouveaux bâtiments ou de grands travaux de rénovation, peu importe si vous pouvez ou non louer ou acheter une place de parking près de chez vous ou de votre lieu de travail. Même si vous n’avez pas de place de parking, vous ne recevrez pas de permis de stationnement.» Le fait d’occuper l’espace public avec une voiture, qui de surcroît nuit à l’environnement, ne relève pas d’un droit fondamental. Il s’agit d’un droit acquis pour lequel nous payons de toute façon.

Il faudra encore du temps avant que les Belges, eux aussi, n’en soient pleinement conscients. En tout cas, la femme avec qui j’ai parlé peut désormais dormir sur ses deux oreilles: même si le parti pour lequel elle a finalement rejoint la coalition communale après de longues négociations, la carte de stationnement gratuite pour résidents ne disparaîtra pas pour autant.

Texte traduit par les étudiants du master en traduction de l’UGent, dans le cadre du séminaire donné par la professeure Brunehilde Ammann. Les étudiants suivants ont participé à la traduction: Stijn Debar, Elise De Beule, Lucas Demeyer, Yulin Leroy, Fatima Rhourdou, Fabian Vanassche, Lola Van de Eede, Anna-Clara Van de Velde, Fé Van Landeghem, Floris Vereecken.

Anouk van Kampen

journaliste

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