Penser design pour une meilleure mobilité
Le design peut être un levier de changement durable. C’est ce que Lille Métropole 2020, Capitale mondiale du Design, se propose d’exporter par le biais de ses POC (Proof of Concept) : des exercices de réflexion suivis d’une réalisation qui proposent des solutions aux défis de notre temps, tels que la mobilité.
Lille Métropole 2020, Capitale mondiale du Design, s’était sans aucun doute imaginé l’année différente. Ayant été contrainte au mois de mars dernier de fermer ses guichets pour toute une période, l’organisation peut heureusement reprendre certaines activités. L’on trouve ailleurs sur le site les plats pays les nombreuses expositions, conférences et autres manifestations. Si ce programme pourrait donner à penser que cette année du design ne concerne que des manières de présenter de beaux objets, ce n’est pas du tout le cas.
Le design comme un levier susceptible d’initier des solutions pour des questions actuelles
La région de Lille veut saisir l’occasion de cette année riche en événements pour renforcer certaines dynamiques. C’est pourquoi une grande part d’énergie est investie dans les POC (Proof of Concepts) et les ateliers créés autour. Dans une maison POC, des designers réalisent leur idée de manière déjà très tangible, quasiment jusqu’à la phase de préproduction. Le choix des thèmes de travail n’a pas été décidé au petit bonheur la chance par Lille Métropole 2020 : il s’agit bel et bien de présenter et d’engager le design comme un levier susceptible d’initier des solutions pour des questions actuelles : le soin, la ville collaborative, l’économie circulaire, l’habitat, l’action publique et la mobilité. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que ces questions sont celles qui ont émergé de la période de crise du Covid-19. Nous avons rendu visite à un de ces ateliers à Lille où des designers présentent leurs idées et leurs réalisations en vue d’améliorer la mobilité.
© Bart Noels
OKeCharge est un projet de Marc Bony de l’agence Les Acrobates. Ayant fait l’acquisition de sa première voiture électrique en 2016, il s’est rapidement rendu compte que les possibilités de recharge étaient par trop limitées. Il a donc conçu un système par lequel des particuliers et des entreprises partagent leur capacité de recharge. Tout participant au système de partage peut aller recharger sa voiture chez un autre utilisateur, soit à son domicile privé soit dans une entreprise. On établit ainsi un réseau beaucoup plus dense qu’avec les bornes de recharge classiques du réseau public.
Le partage comme nouvelle réalité est aussi le fil rouge dans plusieurs autres POC. L’association Vélowomon se propose de démocratiser l’utilisation des vélos cargos avec ses ‘boîtes à vélow’. Ce type de vélo cargo coûte cher et le partage avec un groupe diminue évidemment la facture. Un box spécialement conçu permet d’entreposer ou de retirer les vélos.
© Bart Noels
Une autre installation au liquide vert attire l’attention. L’entreprise Bioteos part de la constatation que les microalgues sont encore plus que les arbres de véritables fabriques d’oxygène. Elle a donc conçu des bancs où sont intégrées ces microalgues. Implémenté à grande échelle, ce mobilier urbain peut se transformer en installation de purification de l’air.
L’atelier mobilité est évidemment aussi un étalage de la force d’innovation des entreprises du nord de la France. Et il va de soi que Decathlon ne pouvait pas manquer à l’appel. Née dans la région lilloise, la chaîne de magasins de sport est devenue un acteur mondial. Dans le B’Twin Village aux abords de Lille, le groupe d’équipements sportifs conçoit ses bicyclettes et trottinettes. Une des nouveautés est la RIDE 900E de la marque maison Oxelo, la première d’une nouvelle génération de trottinettes à propulsion électrique. Des engins qui combinent le confort avec l’autonomie. C’est en effet le défi pour tous les véhicules à moteur électrique : parcourir le plus de distance possible avec une seule charge de batterie.
© Bart Noels
Dans l’atelier mobilité, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a pu présenter son projet ‘Carré bleu’, un parcours de 90 kilomètres longeant les cours d’eau dans la région frontalière. Ce parcours a été pourvu au cours des derniers mois d’une signalisation dans les deux pays et les trois sous-régions concernés. Les designers Valot et Druet y ont ajouté aussi les installations bleues caractéristiques qui font office de portes d’accès et d’accroches pour le trajet.
Sailly-lez-Lannoy est l’endroit où a été imaginée une nouvelle forme d’autostop. Dès 2017, habitants et responsables politiques de la petite ville sont entrés en dialogue pour examiner ensemble comment mieux organiser la mobilité. De par sa situation rurale, il est très compliqué de mettre sur pied un transport public pour Sailly-lez-Lannoy. Le designer Vincent Dupont-Rougier a imaginé un système impliquant les voitures de particuliers dans un système comparable à celui des autobus, prévoyant des arrêts, les TotemStop. Il s’agit d’arrêts pourvus d’un agréable éclairage où on se place pour faire du stop.
© Bart Noels
Il y a donc une grande diversité de projets qui ne prennent d’ailleurs pas toujours corps par une réalité physique. Souvent, il s’agit aussi de systèmes virtuels ou de services contribuant à résoudre les problèmes de mobilité.
C’est aussi l’expérience des autres maisons POC. Le design a pour objet la réflexion créative, la création commune impliquant les utilisateurs, les commanditaires et les créateurs. Si cette logique réussit à prendre un caractère durable et à se répandre davantage, cette année du design de la région lilloise peut être, en tout état de cause, considérée comme une réussite.