Pour se loger à bon prix aux Pays-Bas… il vaut mieux déménager en Flandre!
Se trouver une maison dans une ville flamande nécessite certes de l’argent et de la patience, mais en comparaison du marché immobilier néerlandais, le marché belge est miraculeusement accessible. Telle est l’expérience d’Anouk van Kampen, anciennement correspondante du journal NRC en Belgique. Une fois arrivée à Gand, elle n’en est plus jamais repartie.
Le bâtiment tout entier? Plantée devant ma porte d’entrée, une amie néerlandaise observe, les yeux écarquillés, la façade de ma nouvelle maison à Gand. Oui, le bâtiment tout entier est à nous. Nous n’avons pas de colocataire, j’ai encore mes deux reins et je n’ai même pas eu besoin de me trouver un «bon parti», comme l’a suggéré Hugo de Jonge, ministre néerlandais du Logement, à une jeune femme qui n’avait pas les moyens de s’acheter une maison. Un homme ordinaire a suffi. Mon amie me dévisage comme si j’avais gagné à la loterie. On en oublierait presque que cette maison appartient encore à la banque!
Après plus de six ans en Belgique, je peine encore comprendre comment une personne comme moi, ayant des revenus moyens, puisse avoir aussi facilement accès à la propriété. Oui, nous avons été en concurrence avec des dizaines d’autres couples comme nous, nous avons dû surenchérir d’une dizaine de milliers d’euros huit fois, mais quand vous avez vécu à Amsterdam, vous commencez à croire que se loger est un luxe inaccessible. En douze ans là-bas, j’ai dû déménager dix fois! J’ai enchaîné les baux de courte de durée, en occupant temporairement des immeubles inoccupés, en sous-location, en logement étudiant, en logement de jeunesse. Je me suis finalement retrouvée dans un endroit qui me coûtait la moitié de mes revenus, mais je m’estimais quand même chanceuse. Devenir propriétaire était inconcevable.
Quand vous avez vécu à Amsterdam, vous commencez à croire que se loger est un luxe inaccessible
Lors de mon arrivée en Belgique, la situation a changé du tout au tout: fini les supplications auprès des associations, les innombrables bouteilles à la mer lancées sur Facebook. Je n’avais plus à espérer la charité d’une connaissance issue d’une famille aisée ou tout autre petit miracle. À Bruxelles, j’avais même l’embarras du choix, je n’avais plus qu’à me laisser convaincre par les agents immobiliers. À Gand, j’ai d’abord loué un appartement en plein centre, puis j’y ai acheté une maison.
Pour mes amis belges, étudier, vivre en coloc, trouver un job, louer, économiser et finalement acheter constitue une suite d’étapes logique, pour peu que la vie vous sourie. Aux Pays-Bas, c’est un privilège réservé à quelques rares élus. Pour le million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté que comptera bientôt le pays, selon les chiffres du Centraal Planbureau (le Bureau néerlandais d’analyse de la politique économique), la question ne se pose même pas.
En début d’année, le loyer moyen d’une chambre d’étudiant aux Pays-Bas s’élevait à plus de 683€. La liste d’attente pour un logement étudiant est parfois plus longue que les études elles-mêmes, et de plus en plus d’étudiants continuent d’habiter chez leurs parents par nécessité. Pour les logements sociaux, le temps d’attente moyen est de 13 ans, alors même que le nombre de logements à prix modique diminue depuis des années.

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Si les autorités semblent en avoir pris conscience désormais, les lois visant à maîtriser ce marché hors de contrôle arrivent bien tard. Les investisseurs immobiliers dominent le marché. Aux Pays-Bas, les locataires payent en moyenne 1 388€ par mois et le prix des biens destinés à la vente a doublé en neuf ans. Dans ce contexte, le fait qu’ils soient à nouveau en légère baisse n’incite pas vraiment à sauter de joie. Encore moins pour celles et ceux qui ont acheté leur maison l’année dernière à un prix exorbitant et qui aujourd’hui se retrouvent avec une hypothèque qui dépasse la valeur de leur propriété.
Vous voulez une maison? Venez vivre en Flandre! dis-je à mes compatriotes néerlandais. Une remarque anodine qui représente pourtant la réalité de certains. Dans la région frontalière belge, on constate ces dernières années une augmentation du nombre de Néerlandais à la recherche d’une habitation du côté flamand en raison de la crise du logement dans leur pays. Peut-être une petite suggestion pour la prochaine «blague» d’Hugo de Jonge: ne cherchez pas un homme riche, cherchez un Flamand! Sur Tinder, élargissez au maximum votre rayon de recherche!
Les Pays-Bas devraient-ils suivre l’exemple de la Flandre? Eh bien, non. À côté du fiasco de ses voisins, la situation en Flandre semble un peu plus réjouissante, mais il n’y a pas non plus de quoi s’extasier. En 5 ans, le prix des logements universitaires a augmenté de 25 %. Les listes d’attente pour la location d’un logement social y sont peut-être plus courtes, mais les logements disponibles sont quasi inexistants. Ils représentent environ 6% de la totalité du parc immobilier, contre 30% aux Pays-Bas.

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Les locataires doivent donc s’en remettre au marché privé, où ils sont à la merci des discriminations, comme le montrent plusieurs enquêtes. Les personnes issues de l’immigration, aux revenus plus modestes, ou souffrant d’un handicap sont moins fréquemment retenues par les agents immobiliers. Il existe des tests de situation contre les discriminations qui permettent de lutter contre cette injustice, mais le gouvernement flamand ne veut pas les instaurer.
La moitié des logements locatifs sont par ailleurs en mauvais état, près d’un tiers des locataires ne parviennent pas à joindre les deux bouts après avoir payé leur loyer. Pourtant, début 2023, Matthias Diependaele (N-VA), alors ministre flamand du Logement, prévoyait de transférer des fonds destinés aux logements sociaux vers le marché privé. Les «situations à la néerlandaise», où des acheteurs potentiels font une offre pour une maison qu’ils n’ont jamais vue, sont également devenues monnaie courante en Flandre. La réalité est que votre partenaire ne doit pas forcément être riche, mais vous avez besoin de lui ou d’elle – ou de parents riches – pour avoir une chance d’accéder à un logement. En tant que personne isolée, cela devient difficile.

© Philippe Ampe
Le droit à un «logement décent» est inscrit dans la constitution belge, tout comme aux Pays-Bas, et le code flamand du logement stipule que tout le monde a «le droit à un logement décent». Et pourtant, le nombre de sans-abri augmente de part et d’autre de la frontière. Il ne reste plus qu’à espérer que les gouvernements récemment formés dans les deux pays feront appliquer ce principe d’un logement convenable pour tous.
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