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pays-bas français, société compte rendu

Jan Yperman signe (une nouvelle fois) le guide le plus actuel sur le Westhoek et la Flandre française

Par Wim Chielens, traduit par Pierre Lambert
9 juillet 2025 5 min. temps de lecture

La fraternité qui unit ces deux régions, adossées à la frontière, reste palpable dans les boutiques et les cafés, sur les marchés et lors des événements. Le grand mérite de Jan Yperman dans De Westhoek en Frans-Vlaanderen365 verrassende plekken (Le Westhoek et la Flandre française – 365 lieux surprenants) est précisément qu’il aborde ces deux territoires comme un ensemble homogène. Bizarrement, il n’est mentionné nulle part que ce livre, certes complet et passionnant, est une version remaniée de De Westhoek XL, paru en 2009.

Jan Yperman n’en est pas à son coup d’essai en matière d’ouvrages culturels et touristiques consacrés à la Flandre-Occidentale et à la Flandre française. Voici quinze ans, il publiait chez Davidsfonds De Westhoek XL (mis à jour en 2016), qui portait déjà sur la même région. Ce nouveau guide reprend en grande partie le texte et la structure des chapitres, même si l’ordre a été légèrement modifié. En soi, cela se comprend : en deux décennies, le paysage et l’histoire n’ont guère changé.

Ce qui a évolué, en revanche, ce sont évidemment les habitants. Et leur langue! C’est pourquoi Yperman a remanié le chapitre consacré à la langue en Flandre française, tout en conservant –à juste titre– la phrase d’introduction: «Écrire sur la langue, c’est un peu comme nager dans un marais.» Depuis des années, on ne dispose plus de chiffres fiables sur le nombre de Flamands français qui parlent ou comprennent encore le néerlandais ou le vlaemsch. Dans son ouvrage Frans-Vlaanderen (1982), Jozef Deleu évoquait une estimation officielle (de l’État français) allant de 80 000 à 100 000 locuteurs. Yperman parle aujourd’hui de «quelques milliers tout au plus», une estimation qui semble réaliste.

Dommage, toutefois, que l’auteur ne mentionne pas le travail colossal de Mark Ingelaere, qui publie presque chaque semaine des vidéos sur YouTube où il donne la parole à des locuteurs actuels du vlaemsch en France – preuve qu’ils n’ont pas tous disparu. Ingelaere s’est d’ailleurs vu décerner il y a peu le prix Luc Verbeke. On regrettera aussi l’absence de référence au Woordenboek van het Frans-Vlaams (Dictionnaire du flamand français) de Cyriel Moeyaert (2005).  Ce dernier nous apprend notamment que si certains Flamands français disent aujourd’hui patat au lieu de «pomme de terre», cela n’a en réalité aucun rapport avec leurs racines flamandes, contrairement à ce qu’affirme Yperman. En effet, le mot «patate» est (ou était) utilisé un peu partout en France, tandis que les Flamands français employaient plutôt erappel ou erpel.

Anecdotes, coups de cœur et itinéraires

Ce nouveau guide n’est-il donc que «du vieux vin dans de nouvelles outres», avec quelques photos inédites, une nouvelle maquette et un nouvel éditeur? Pas tout à fait. Le secteur touristique, des deux côtés de la frontière, s’est montré particulièrement dynamique au cours des quinze dernières années. L’importance accordée à l’authenticité, au vintage et au patrimoine –matériel et surtout immatériel– est devenue sa véritable marque de fabrique. Un guide touristique qui s’appuie sur l’histoire, la culture, le patrimoine et la tradition est aujourd’hui plus pertinent encore qu’en 2009.

Yperman a intelligemment intégré ces évolutions. Il a conservé le texte principal (largement inspiré de De Westhoek XL), tout en ajoutant trois rubriques: anecdotes, coups de cœur, et itinéraires à pied ou à vélo. Certes, nombre de ces anecdotes et coups de cœur figuraient déjà sous forme d’encadrés dans l’édition précédente… Mais soit. Pour les itinéraires, Yperman privilégie, dans la mesure du possible, les réseaux de points-nœuds. Pratique: dans cette nouvelle version, il a aussi ajouté des QR codes qui renvoient directement à un plan d’itinéraire sur l’application RouteYou. De quoi éviter d’emporter le (lourd) guide pendant la promenade…

De part et d’autre de la frontière

L’une des grandes forces de ce guide est qu’il aborde ces deux régions frontalières comme un ensemble homogène. Les ressemblances sautent aux yeux, et les différences surprennent. En simplifiant à l’extrême, on pourrait dire que la Flandre française est une Flandre profonde encore mieux préservée:  le temps y paraît plus figé, les paysages y sont plus authentiques (car moins touchés par les remembrements), et les destructions de la Première Guerre mondiale se sont limitées à la partie sud, jusqu’à hauteur du mont Noir (Zwarteberg).

Yperman adopte la même subdivision que les offices de tourisme, ce qui est pratique pour le lecteur. Là où il fait montre d’une grande originalité, c’est dans son exploration thématique de cette région, en faisant fi de la frontière. Cela va de soi dans le chapitre Grensgevallen («cas-limites» ou «cas de frontières»), mais il fait de même dans Hoppeland («Pays du houblon»), où il passe de Poperinge à Steenvoorde, ou encore en suivant la chaîne des collines, du mont Kemmel (Kemmelberg) au mont Cassel en passant par le mont Noir et le mont des Cats.

Entièrement actualisé

Cette troisième refonte a été menée de façon approfondie et soignée. Un simple coup d’œil suffit pour s’en rendre compte: le musée Lucien De Gheus et la tour de contrôle allemande à Poperinge, la Klankmakerij à Dranouter, les réseaux de «villages charmants» et les tours panoramiques d’Horizon 2025, le FRAC à Dunkerque, les Plugstreets à Gent-Wevelgem, le domaine provincial Yserboomgaard à Dixmude, la salle des fêtes aménagée dans l’église de Lampernisse, les «clés perdues» à Ypres, etc. Il s’agit incontestablement du guide le plus actuel que l’on puisse trouver sur cette région.

On peut toutefois regretter que la gastronomie locale et les produits du terroir ne soient abordés que dans un chapitre séparé, et non région par région. Si un secteur incarne l’authenticité touristique, c’est bien celui-ci: l’offre foisonnante de spécialités locales (souvent labellisées) dans les estaminets, les restaurants ou les nombreux points de vente à la ferme, sans oublier les boutiques spécialisées. Yperman y consacre un long chapitre, mais n’y revient guère lorsqu’il décrit ensuite ses balades à travers les villages et les villes. On comprend sa réticence: l’horeca est sans doute le secteur qui évolue le plus vite.

De Westhoek en Frans-Vlaanderen – 365 verrassende plekken est un guide dense, complet et captivant, plus que jamais nécessaire à une époque où, malgré une Europe unifiée, la plupart des offices de tourisme continuent à cloisonner leurs informations dans des limites communales, provinciales ou nationales. Ce livre confirme la fraternité entre ces deux régions et leurs habitants, si palpable dans les boutiques et les cafés, sur les marchés et lors des fêtes. Un peu plus d’honnêteté intellectuelle aurait dû inciter l’éditeur à présenter cet ouvrage comme une actualisation de De Westhoek XL.

Jan Yperman, De Westhoek en Frans-Vlaanderen – 365 verrassende plekken, Gorredijk, éditions Sterck & De Vrees, 2025.

Wim-chielens

Wim Chielens

directeur général de l'Académie des Beaux-Arts de Poperinge; rédacteur annales De Franse Nederlanden-Les Pays-Bas Français

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