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«Sans les migrants, rien n’irait plus»: Entretien croisé de deux expertes sur les migrations en Belgique et aux Pays-Bas

17 février 2023 15 min. temps de lecture

Pour les populistes, les migrations sont un thème de prédilection, alors que quiconque examine la question avec nuance et honnêteté doit se préparer à affronter un fort vent de face. «Quand vous êtes homme ou femme politique, impossible de gagner les élections si vous dites que tout va s’arranger», observe Marlou Schrover, spécialiste des migrations à l’université de Leyde. «Si nous adoptions une vision à long terme sur ces thèmes, loin des trivialités du jour, cela ferait déjà une grande différence dans le débat», pense, pour sa part, Sara Cosemans de la KU Leuven. Entretien.

La plupart des immigrants arrivés aux Pays-Bas et en Belgique après la Seconde Guerre mondiale étaient des travailleurs recrutés au Maroc et en Turquie. Après le choc pétrolier de 1973, cette immigration de main-d’œuvre a fait place au regroupement familial. La chute du mur de Berlin en 1989 et la désintégration de l’Union soviétique ont permis l’arrivée de personnes d’Europe centrale et orientale. Puis, ce sont les nombreux conflits dans le monde qui ont poussé les gens à fuir. Si l’on étudie les migrations vers nos régions, quelle est alors l’évolution depuis 2000?

Pour Sara Cosemans, doctorante en histoire culturelle à la KU Leuven et professeure invitée à la Nouvelle école des Sciences Sociales de l’université de Hasselt, il vaut mieux prendre en compte les cinquante plutôt que les vingt dernières années. «Mais si nous voulons néanmoins une césure pour les décennies les plus récentes, je la situerais en 2004, lorsque les pays d’Europe centrale ont rejoint l’Union européenne et que la migration saisonnière est devenue cruciale, entre autres pour la Belgique.»

Marlou Schrover, professeure d’histoire sociale et économique à Leyde, est d’accord avec sa collègue flamande: «Si nous voulons périodiser les migrations aux Pays-Bas et en Belgique, je vois de grands parallèles, qu’il s’agisse des migrations de la main-d’œuvre ou des migrations des réfugiés. Mais l’an 2000 n’est pas un point de rupture: il n’y a pas eu, depuis lors, de massification ou d’accélération des migrations. Trois pour-cent de la population mondiale migrent, encore et toujours, et cela, depuis des décennies.»

Rien n’a donc changé ces dernières années?

Marlou Schrover: «Si quelque chose a bel et bien changé, c’est que depuis le 11-Septembre, le débat a essentiellement porté sur l’Islam. Aujourd’hui, la migration en provenance des pays musulmans est très vite liée au terrorisme et à la sécurité, au point que cette migration finit par être considérée comme une forme de crimigration. Alors que les migrations à l’intérieur de l’UE se déroulent beaucoup plus facilement, on constate une fortification accrue à la frontière extérieure.»

Sara Cosemans: «En réalité, cette criminalisation existe déjà depuis les années 1970 et la fin de la décolonisation. Mais comme l’a souligné Marlou, elle est depuis 2001 principalement dirigée contre les musulmans, et plus encore, contre toute personne qui n’est pas blanche, chrétienne ou femme. Vous pouvez aussi le constater dans la crise ukrainienne d’aujourd’hui. La Syrie et l’Ukraine connaissent des conflits assez similaires, mais notre système politique les traite de manière complètement différente, tout comme nous avons traité les chrétiens syriens différemment des musulmans syriens.»

On pourrait croire: cela fait des décennies que les Néerlandais et les Belges voient des migrants dans leurs rues, ils finiront par s’y habituer à un moment donné. Pourtant, ce n’est pas ce que montrent les sondages.

Marlou Schrover: (fermement) «Cette méfiance est d’abord une conséquence des coupes dans la sécurité sociale et de la pénurie sur le marché du logement. Si un parent a une fille qui a des problèmes psychologiques et qu’elle se trouve dixième sur la liste d’attente pour une prise en charge, il s’empressera de dire: “et mon enfant alors? Je n’ai rien contre les migrants, mais…” Donc, le fait que les Pays-Bas aient tellement réduit leurs dépenses ces dernières années signifie aussi qu’aujourd’hui les gens sont plus susceptibles de dire : “et moi?”»

«Un autre facteur est l’effet médiatique. Ces vingt dernières années, tout le monde est devenu un peu journaliste. Pour conserver leur audience, les journalistes professionnels réalisent de plus en plus d’interviews dans la rue, où la parole n’est pas donnée aux experts ou au Conseil néerlandais pour les réfugiés, mais au simple passant. Bien qu’il y ait évidemment un élément de démocratisation là-dedans, ce passant dira plus souvent le mal qu’il pense de l’immigration. Lorsque les Syriens sont arrivés en 2015, nous avons vu d’interminables actions de soutien aux Pays-Bas, mais ce qu’a retenu l’opinion, c’est ce fermier avec sa bannière devant la basse-cour, disant: “notre village est plein.” La bonne volonté, elle, reste souvent moins visible.»

Sara Cosemans: «Marlou a tout à fait raison. Je voudrais ajouter que, selon leur pays d’origine, ces vingt dernières années, les migrants ont été confrontés à des traumatismes souvent plus graves qu’auparavant. Si vous avez passé sept ans à essayer de faire venir votre famille, et que vous avez vécu des choses terribles, eh bien, c’est une période pendant laquelle vous n’avez pas appris la langue ni eu un emploi à plein temps. Le mélange de voies d’accès périlleuses et de barrières élevées à l’entrée érode d’emblée le nouveau départ de ces personnes.»

Dans quelle mesure nos institutions se sont-elles adaptées aux migrations? Si l’on considère le marché du travail, l’éducation, etc., il est frappant de constater les difficultés que les migrants y rencontrent encore et toujours.

Marlou Schrover: «Cela aussi tient en partie à l’image qu’on en a. L’accent y est davantage mis sur les échecs que sur les réussites. Les migrants qui réussissent passent plus inaperçus. Il faut aussi relativiser la question de savoir pourquoi autant de personnes ont autant de difficultés aujourd’hui. Les Néerlandais qui sont partis au Canada ou en Australie dans les années 1950 y ont commencé, eux aussi, au bas de l’échelle, même s’ils étaient les meilleurs charpentiers ou ouvriers du bâtiment. Les lacunes linguistiques, elles aussi, jouent un rôle important, tout comme l’absence de réseaux. Migrer, c’est toujours faire un pas en arrière.»

Marlou Schrover: Migrer, c'est toujours faire un pas en arrière

La reconnaissance des diplômes reste, elle aussi, un point délicat. À Bruxelles, des sages-femmes font la vaisselle dans les restaurants et un ingénieur civil peut parfois nettoyer les toilettes.

Marlou Schrover: «Dans le secteur médical en particulier, un pays se doit de vérifier si la formation dans tel ou tel pays d’origine est comparable à ses propres formations, cela me semble raisonnable. Mais il est vrai aussi qu’en Europe occidentale, nous sous-estimons presque systématiquement l’éducation dans ces pays d’origine. Les infirmières philippines, par exemple, sont beaucoup plus instruites que nos infirmières européennes. Mais de toute façon, votre diplôme doit d’abord être reconnu ici, ce qui signifie que les personnes concernées ne peuvent pas travailler dans leur secteur pendant un certain nombre d’années et en sont désavantagées.»

Sara Cosemans: «C’est exact! Notre marché du travail reste très discriminatoire à l’égard des migrants. Même les personnes hautement qualifiées de la deuxième génération ont moins d’opportunités que leurs pairs dont la famille n’est issue de l’immigration. Pour travailler quand même, beaucoup de migrants se contentent d’un emploi de moindre importance.»

Sara Cosemans: Pour appeler un chat un chat: le racisme est vraiment un facteur sur le marché du travail

«Parmi les Syriens par exemple, il y avait beaucoup de personnes très instruites qui ne trouvaient pas de travail chez nous. Pour appeler un chat un chat: le racisme est vraiment un facteur. Les réfugiés ukrainiens obtiennent tout de suite un permis de travail et peuvent rapidement se mettre au travail dans leur spécialité. Pourtant, ils ne sont pas nécessairement plus instruits que de nombreux Syriens.»

Pour les migrants originaires d’Europe, c’est donc une autre histoire?

Marlou Schrover: «Oui. Une personne originaire de Pologne qui vient travailler aux Pays-Bas ne fuit pas son pays et ne laisse pas tout derrière elle. Dans ce groupe, on n’entendra pas la question de savoir si l’on amènera grand-mère oui ou non. Dans le cas des Polonais, venir aux Pays-Bas est un choix professionnel, lié au fait qu’on y gagne plus qu’en Pologne. Vous pouvez commencer à travailler immédiatement, vous disposez de toute une infrastructure polonaise avec des églises et des magasins, et vous pouvez vous permettre de vous demander: “est-ce que je me plais ici, ou dois-je rentrer?” Un demandeur d’asile ne peut pas faire cela».

Sara Cosemans: «Je viens moi-même de la région fruitière du Limbourg, je connais le système des migrations circulaires, avec des cartes de travail qui vous permettent de travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant soixante-cinq jours en Belgique. Les premiers Polonais qui sont venus chez nous allaient à l’église le dimanche et étaient présents dans le village. Mais dès qu’ils ont pu gagner plus d’argent en Pologne, ou obtenir de meilleurs emplois dans d’autres secteurs, ils sont partis. Puis sont arrivés les Roumains et Bulgares. Ceux-là ne vont pas à l’église et ne font rien d’autre que travailler, pendant soixante-cinq jours – et ont souvent de mauvaises conditions de vie. Il s’agit là encore de personnes qui ne bénéficient pas de leurs droits, notamment en matière de congés payés. En Belgique, des millions d’euros ne sont pas versés chaque année parce que nous ne remplissons pas nos obligations légales. Ces personnes ne se plaignent pas non plus, c’est vrai, car elles gagnent déjà plus qu’à la maison.»

Marlou Schrover: Aux Pays-Bas, on observe depuis des années des cas graves d'exploitation, qui sont aussi constamment dénoncés par les syndicats

Marlou Schrover: «Aux Pays-Bas, on observe depuis des années des cas graves d’exploitation, qui sont aussi constamment dénoncés par les syndicats. Des gens y vivent dans des conteneurs, parmi les souris et les rats, sans chauffage ni installations sanitaires. La vie étant liée au travail, la perte de leur emploi signifie également la perte de leur logement. Dans les secteurs de la viande et de l’agriculture notamment, la situation est plutôt mauvaise. Ensuite, vous avez des gens qui s’isolent dans un endroit où ils ne connaissent personne et se saoulent. C’est ce sur quoi [le politique d’extrême droite] Geert Wilders a essayé de capitaliser avec sa ligne directe pour dénoncer les Polonais.»

Les pays européens qui ont un passé colonial ont attiré des personnes issues de leurs anciennes colonies: l’Indonésie, le Suriname et les îles ABC (Aruba, Bonaire et Curaçao) pour les Pays-Bas, le Congo pour la Belgique. Cet élément colonial joue-t-il encore un rôle aujourd’hui?

Marlou Schrover: «Les migrations résultant de la décolonisation de l’Indonésie, qui comprenaient des personnes de sang néerlandais et indonésien, sont vraiment terminées. Le Suriname n’est devenu un pays totalement indépendant que dans les années 1980, mais après cela, on observe toujours une certaine migration illégale liée à la langue et aux réseaux. La migration via les Antilles, qui sont restées un territoire d’outre-mer du Royaume des Pays-Bas et bénéficient donc de la libre circulation des personnes, a un effet secondaire plus important. Les Antilles sont aussi un canal pour les personnes d’Amérique du Sud qui se marient avec des Antillais, ou qui viennent ici illégalement.»

L’histoire coloniale joue-t-elle encore un rôle dans les migrations en provenance du Congo?

Sara Cosemans: «Traditionnellement, la migration du Congo vers la Belgique était moins importante que celle de l’Indonésie vers les Pays-Bas. La diaspora actuelle en Belgique est principalement née après 1997, après la chute de Mobutu donc. Ce qui motive ces personnes à venir à Bruxelles, c’est souvent la langue, plus que le passé colonial. En ce sens, la migration congolaise vers la Belgique est comparable à celle des pays francophones d’Afrique occidentale qui n’étaient pas des colonies de la Belgique.»

Sara Cosemans: De nos jours ce qui motive des Congolais à venir à Bruxelles, c'est souvent la langue, plus que le passé colonial

«Mais il est intéressant de voir comment cette communauté évolue chez nous: sous l’influence du débat aux États-Unis, l’activisme culturel a fortement augmenté. Les Congolais qui sont venus en Belgique sans avoir de forts sentiments de liens coloniaux commencent alors à interpréter leur séjour ici en ces termes.»

Marlou Schrover: «On voit comment le passé colonial, et certainement le thème de la traite des esclaves, est redevenu important aux Pays-Bas. Chaque ville y est maintenant occupée par la question de savoir comment elle a pu gagner de l’argent avec l’esclavage. Pourtant, de nombreux chercheurs soulignent que la visibilité des Noirs dans la société néerlandaise n’est pas si nouvelle que cela et que les Noirs y sont présents depuis longtemps. Trop souvent, nous avons tendance à présenter le passé comme étant d’un blanc homogène, avec lequel notre époque formerait dès lors un contraste. Il s’agit là d’une déformation de l’histoire.»

Marlou Schrover: nous avons tendance à présenter le passé comme étant d'un blanc homogène, avec lequel notre époque formerait dès lors un contraste. Il s'agit là d'une déformation de l'histoire

Dans les grandes villes, des gens aux origines extrêmement diverses vivent ensemble, tout en ayant une histoire migratoire comme dénominateur commun. Cette expérience de la migration, contribue-t-elle à la formation d’une identité collective?

Sara Cosemans: «La chercheuse Meryem Kanmaz affirme que les Turcs et les Marocains ont appris à se connaître en Belgique. Le Maroc n’a jamais fait partie de l’Empire ottoman, mais comme les Turcs et les Marocains sont souvent mentionnés dans une même et seule phrase en Belgique, et qu’ils sont arrivés en même temps, ils se sont rapprochés ici. Au sein des groupes de migrants, les gens se connaissent souvent et la solidarité est réelle, même si elle n’est pas continue et qu’il s’agit plutôt de vagues. Cette solidarité se manifeste aussi lors des campagnes de régularisation, notamment celle de 2000. La campagne de 2009 en revanche était déjà moins solidaire. Après, nous avons surtout eu des campagnes nationales, par exemple pour les Afghans ou pour les Marocains qui n’avaient pas été régularisés. Donc, selon le type de lutte, vous voyez la solidarité –ou pas.»

Marlou Schrover: «Ce qui est intéressant aussi, c’est de voir ce qui se passe dans l’éducation. Là, des enfants d’origines diverses grandissent ensemble grâce à une expérience de migration partagée. En général, ils sont nés aux Pays-Bas, mais ils n’ont pas l’air néerlandais et on leur pose toujours la même question: “d’où venez-vous?” Puis l’enfant répond: “de Zwolle.” Ensuite, une autre question leur est posée: “non, mais d’où venez-vous vraiment? ” Ce genre de choses, le fait que vous ne soyez apparemment jamais suffisamment intégré, même si vous êtes éduqué, que vous avez une bonne élocution en néerlandais et que vous ayez lu tous les grands romans… Ce fait que, puisque vous n’êtes pas blanc, on vous demande toujours si vous êtes bien loyal aux Pays-Bas… Eh bien, les personnes réagissent avec colère à tout cela, et cela fait graviter les migrants les uns vers les autres.»

À Bruxelles, entre-temps, on constate que la super-diversité devient «la» vraie identité…

Sara Cosemans: «Bruxelles constitue une expérience sociale fascinante. C’est une ville internationale et dynamique qui crée des opportunités pour ceux qui viennent d’ailleurs, même s’ils doivent commencer au bas de l’échelle. Ce n’est pas que Bruxelles n’ait pas de problèmes, mais la cohabitation y fonctionne plutôt bien, contrairement à l’impression qui est parfois donnée. De nouvelles identités émergent en abondance, une évolution que je suis avec beaucoup de curiosité.»

Marlou Schrover: «Vous le voyez à Bruxelles, à Amsterdam et à Rotterdam et c’est en effet très fascinant à suivre. Néanmoins, en tant qu’historienne, je suis quelque peu critique à l’égard du terme “superdiversité”, inventé par Steven Vertovec en 2006 et sur lequel tous les décideurs politiques se sont ensuite rués. Pourtant, avec un tel terme, on présente le passé comme homogène et on tend à voir le présent comme quelque chose de nouveau, d’unique et qui pose un défi, ce qui n’est pas tout à fait vrai.»

Marlou Schrover: en tant qu'historienne, je suis quelque peu critique à l'égard du terme qui tend à présenter le passé comme homogène et on tend à voir le présent comme quelque chose de nouveau

Si l’on en croit les prévisions, d’ici quelques décennies, l’Afrique deviendra un continent de plus d’un milliard d’habitants, tandis que la population européenne autochtone diminuera. Les populistes aiment colporter des scénarios d’apocalypse, mais tout de même: comment relever les défis de l’avenir?

Marlou Schrover: «Pour élaborer une politique, il faut évaluer l’avenir, certes. Et l’une des questions que se posent les responsables politiques est la suivante: y aura-t-il moins ou plus de migrants? Le problème est que de nombreuses prédictions du passé se sont révélées fausses. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée en 1991, des millions de réfugiés étaient attendus. Eh bien, ils ne sont jamais venus. Les habitants des pays concernés se sont dits: nous sommes libres, maintenant notre économie à nous peut enfin se développer, elle aussi.»

«Quand on regarde l’Afrique, c’est tout aussi difficile, car si l’économie croît en Afrique, est-ce que cela signifie que les gens y resteront, ou plutôt qu’ils partiront? S’ils ont plus de ressources et de réseaux, vont-ils risquer leur vie pour recommencer plus bas sur l’échelle en Europe? Ou pas? La croissance et la stabilité ne signifient donc pas que davantage de personnes viennent, mais elles ne signifient pas non plus que moins de personnes viennent.»

Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’avec les grands conflits, il y aura plus de réfugiés. Ou non?

Marlou Schrover: «Les migrations issues des conflits se concentrent principalement sur les pays voisins, car les réfugiés veulent pouvoir rentrer chez eux rapidement lorsque le conflit est terminé. Les Syriens sont venus en Europe en si grand nombre parce qu’il n’y avait pas d’argent pour les écoles et les installations dans les pays voisins. C’est la situation dans les camps de réfugiés, plus que la guerre en Syrie elle-même, qui a poussé les Syriens à venir chez nous. C’est à cause des coupes budgétaires européennes, et de la précarité dans les camps de réfugiés, que les gens ont été contraints de migrer plus loin. Mais tout cela ne nous dit rien sur 2050, et les prévisions restent difficiles.»

Sara Cosemans: En Belgique, les emplois les moins attrayants sont presque exclusivement occupés par des travailleurs migrants ; sans eux notre économie ne tournerait plus

Sara Cosemans: «Il suffit de regarder le climat. Quelqu’un comme le chercheur néerlandais Hein de Haas est très critique à l’égard des affirmations selon lesquelles une migration climatique massive aura lieu vers l’Europe, alors que l’on ne sait même pas ce que le réchauffement entraînera ici. Les trombes d’eau qui sont tombées sur l’est de la Belgique en 2021 a déplacé des personnes ici aussi.»

«Un autre élément que nous négligeons, c’est que l’essentiel de la migration vers la Belgique est encore le fait des employeurs, car nous n’avons pratiquement pas connu de croissance naturelle de la population depuis les années 1970. Les permis de séjour sont donc liés aux permis de travail et sont assortis de statuts précaires. Les emplois les moins attrayants sont presque exclusivement occupés par des travailleurs migrants. Ces personnes peuvent être expulsées de Belgique dès qu’elles ont perdu leur emploi. Pouvons-nous le reconnaître une bonne fois? Sans les migrants, notre économie ne tournerait plus, adaptons enfin notre politique à leurs besoins!»

La question qui se pose alors est la suivante: comment vendre une telle chose en tant qu’homme ou femme politique?

Marlou Schrover: «Dans le discours politique, on prétend toujours que la migration est quelque chose de totalement nouveau, alors qu’en fait, peu de choses ont changé. Mais là encore, les politiques ne peuvent pas gagner les élections en disant: “tout ira bien!” Si vous dites cela, vous aurez immédiatement un concurrent qui dira: “eh bien, moi je ne pense pas.” Tout compte fait, il s’agit donc d’une question difficile pour le monde politique… ».

Sara Cosemans: « … qui parle toujours du soutien populaire. L’opinion publique est utilisée en permanence comme une excuse pour ne rien faire, alors que ce sont les décisions politiques qui ont conduit au démantèlement de l’État-providence et qui ont poussé les gens dans les bras du populisme. Si la migration était plus souvent décrite dans une perspective à long terme, loin des trivialités du moment, cela ferait toute la différence.»

Lode delputte

Lode Delputte

journaliste indépendant

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