À Furnes, le pain comme patrimoine vivant transfrontalier
Pour cette nouvelle étape de la série Passage, direction Furnes (Veurne) et son Bakkerijmuseum (musée de la Boulangerie) qui a fait peau neuve en 2024. Si la dimension transfrontalière de ce patrimoine ne fait aucun doute, c’est désormais une reconnaissance mondiale du pain qu’ambitionne le musée. Et une première étape vient d’être franchie avec l’inscription de la culture du pain au patrimoine immatériel de la Flandre.
Qu’on se le dise: si vous avez déjà visité le musée de la Boulangerie de Furnes, vous pouvez y retourner les yeux fermés tant les lieux ont changé. La collectivité de Furnes a repris la gestion des lieux –jusqu’alors associative– et, si le thème directeur du pain est évidemment toujours au cœur des préoccupations, l’écrin a totalement évolué depuis début 2024, après un an de travaux.
Ria Breyne, l’une des guides du musée, observe qu’il y a de plus en plus de Français au musée de la Boulangerie de Furnes. Si la collection est essentiellement belge, le propos du pain parle évidemment des deux côtés de la frontière.© Nicolas Montard
Deux nouveaux bâtiments ont surgi de terre pour accueillir la billetterie et les workshops, qui s’articulent autour d’un four à bois. L’exposition proprement dite, elle, a déménagé dans l’un des bâtiments originels de ce corps de ferme du XVIIe siècle, deux autres bâtisses d’époque accueillant les services administratifs et un sympathique café où l’on peut déguster des gâteaux maison.
À l’extérieur, des magnifiques poiriers ajoutent au charme visuel de ce lieu bucolique et permettent –presque– d’oublier la circulation environnante, le site de l’ancien hospice pour veuves et personnes nécessiteuses du XIVe siècle (détruit pendant la Révolte des gueux entre 1566 et 1568) se trouvant aujourd’hui au croisement de la sortie d’autoroute et de la N8 reliant Ypres à Furnes.
© Nicolas Montard
Qui se cache derrière la porte?
Forcément, avec ce réaménagement XXL, l’exposition a elle aussi évolué. Fort de ses vingt-quatre mille objets, dont 90% dans les réserves, le musée de la Boulangerie s’est offert une seconde jeunesse en revoyant complètement sa muséographie et les usages. Des vidéos, sons, dispositifs tactiles accompagnent intelligemment les objets et ustensiles, sans que le tout-numérique ne prenne le pas.
«Ce que nous voulions faire, c’est que chacun puisse vivre désormais une expérience dans le musée, alors qu’auparavant, nous étions beaucoup plus sur une accumulation d’objets», décrypte Ria Breyne, l’une des guides du musée.
Particularité muséographique, les différents espaces sont séparés par des portes au verre dépoli surgies d’un autre temps. «Comme dans les boulangeries d’antan. Souvent, quand on allait chercher le pain, on voyait derrière cette porte vitrée des ombres qui passaient… On se demandait ce qu’il se déroulait au-delà. Nous avons voulu reproduire cette sensation de mystère».
Le musée de la Boulangerie possède 24 000 objets! Seuls 10% sont exposés. Parmi eux, les moules à spéculoos remportent toujours un grand succès. © Nicolas Montard
Deux grands thèmes sont explorés. Au rez-de-chaussée, le musée de la Boulangerie s’intéresse au pain, à sa fabrication, notamment via ses machines et ustensiles, dont certains encore en état de marche. Caisses enregistreuses, moules, pétrins, étuves, on plonge dans le quotidien du boulanger, l’évolution de son métier avec l’arrivée de la pâtisserie ou du chocolat…. Les moules à spéculoos font toujours un tabac.
L’étage, quant à lui, explore plutôt les relations du pain avec la politique, la guerre, les religions, les fêtes… Sacs à pain en papier à l’effigie des Schtroumpfs, affiches du prix des pains (réglementé jusqu’au début des années 1990), relique de la guilde des boulangers, à cet étage, les sacs de farine tricotés pendant le premier conflit mondial, et destinés à être vendus pour des collectes de fonds, ne manqueront pas d’interpeller. «L’idée est toujours d’expliquer pourquoi les boulangers se mettent à faire de la pâtisserie, pourquoi ils doivent faire payer la coupe de pain au client, etc.»
Parmi les objets exposés, ces sacs à farine tricotés pour collecter des fonds pendant la Première Guerre mondiale font partie des curiosités.© Nicolas Montard
Si la visite peut être libre, mieux vaut opter pour une version guidée, qui permettra aussi de décrypter quelques belles œuvres d’art, en lien avec la fabrication et la consommation du pain: vitraux de Frans Van Immerseel, dessin naturaliste de Léon Frédéric, peinture de Jean-Baptiste Hongenae, etc.
Une muséographie réussie, qui attire les Français
Il faut bien l’avouer, le pari est réussi, tant on prend plaisir à la fois à redécouvrir des objets qui parlent à tout un chacun mais aussi s’initier à l’art et l’histoire du pain dans son ensemble. Le musée de la Boulangerie posséderait la collection la plus grande et la plus diversifiée du pays, une particularité due à Walter Plaetinck. Ce fils de boulanger travaillait pour la firme Puratos, fournisseur de matières premières pour la boulangerie.
Dans les années 1970, alors que les boulangers artisanaux étaient confrontés à la concurrence de plus en plus accrue des grandes surfaces et aux changements de mode de vie, nombre d’entre eux ont commencé à mettre clé sous la porte. Walter Plaetinck récupérera des ustensiles à droite et à gauche, constituant ainsi les prémices de cette collection, présentée au public à partir de 1985.
Tableaux et vitraux agrémentent aussi cette visite, qu’il vaut mieux choisir guidée pour les anecdotes autour de la vie des boulangers.© Nicolas Montard
Par sa spécificité et son propos transfrontalier du pain, ce musée gagne donc à être connu, d’autant que tout y est traduit. «On voit d’ailleurs de plus en plus de Français qui viennent parmi nos 24 000 visiteurs annuels», confie Ria Breyne, rappelant que la frontière n’est qu’à dix kilomètres de là.
La récente reconnaissance du pain au patrimoine immatériel de la Flandre l’aidera peut-être à encore gagner en notoriété. C’est le musée qui a mené le projet, rassemblant des organisations et des passionnés. Et il rêve à terme, comme une cerise sur le gâteau, d’une inscription à l’UNESCO.
Le site du musée de la Boulangerie
© Nicolas Montard







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