Partagez l'article

Lisez toute la série
pays-bas français, société

Les Corsaires Dunkerquois, bien plus que des carnavaleux

3 février 2025 4 min. temps de lecture Passage

Pour ce nouvel épisode de notre série Passage, humons l’air du carnaval de Dunkerque. Les Corsaires, qui organisent un bal réputé le 22 février, constituent l’une des plus anciennes associations de carnaval. Et ils ne se contentent pas «de faire les beaux avec des chapeaux à plumes».

C’est une tradition annuelle qu’ils ne manqueraient pour rien au monde. D’ailleurs, au moment où nous les avons rencontrés, début décembre, au club house des Corsaires Dunkerquois, Gérard Laridan et René Heems ne cachaient pas leur impatience à quelques semaines de l’événement…

Nos deux interlocuteurs évoquent bien entendu le carnaval de Dunkerque, qui commence dès ce mois de janvier. L’un des plus célèbres du pays, avec ceux de Nice et de Granville, mais qui se distingue par ses bandes (défilé dans les rues), ses chapelles (les maisons dans lesquelles les carnavaleux, rentrent pour danser, boire un verre et se restaurer), ses bals (organisés le soir dans des salles comme le Kursaal, le Palais des congrès dunkerquois).

Le carnaval ne serait pas le carnaval sans tout l’attirail qui va avec: les grands parapluies, que la tradition fait remonter aux paysans de Bergues qui venaient assister au défilé sous leur parapluie pour se donner bonne contenance; le clet’che, ce costume, souvent féminin pour les hommes; et ses baisers, qu’il fait bon de claquer à tout moment… «C’est un carnaval que l’on ne peut vraiment vivre qu’en connaissant un Dunkerquois. En tant que spectateur, c’est un peu compliqué, on peut vite nous prendre pour des fous».

Fous, pourtant, les deux hommes ne le sont pas. S’ils ont la gouaille dunkerquoise, ils gèrent aussi avec beaucoup de sérieux une grosse machine: le bal des Corsaires, avec leur association des Corsaires Dunkerquois. Cette année, il aura lieu le 22 février. Lancée en 1947, la Nuit de l’Escadre se déroule désormais au Kursaal.

Trois salles sont entièrement dévolues au bal, le Palais des congrès est loué du mardi au lundi, un temps nécessaire pour installer en son sein le clou du spectacle: un galion qui sera pris d’assaut par les cascadeurs-pirates du Groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (Grimp), les corsaires défendant vaillamment leur navire, effets pyrotechniques à l’appui. «Nous gagnons toujours», sourit Gérard Laridan.

Autres éléments incontournables de ce bal parmi les plus mythiques du carnaval: le chahut de minuit et le concert des fameux Prout, ce groupe carnavalesque dunkerquois que même Paris a déjà aperçu à l’Olympia. Le tout sous bonne garde: 150 personnes sont nécessaires pour encadrer les quelque 9 000 carnavaleux.

Une association philanthropique et culturelle

Mais les Corsaires, ce n’est pas qu’un bal annuel. Ça va même bien au-delà. La société philanthropique redistribue environ 40 000 euros bon an mal an à des actions locales. «Les Restos du cœur, mais surtout des initiatives individuelles. Une grand-mère qui ne peut pas payer son gaz, une étudiante son prêt, nous avons une commission qui analyse les demandes, nous allons bien entendu vérifier que vous ne dépensez pas tout votre argent au bistrot».

Solidaires, les Corsaires le sont aussi avec les enfants dunkerquois les moins favorisés. Pendant des années, ils ont organisé le bal des Mousses, un bal de carnaval à destination des enfants des centres sociaux. «Avec un accès gratuit, alors qu’un bal enfantin coûte 25 euros». Pour le moment en suspens, cette initiative n’est pas abandonnée, affirme Gérard Laridan.

Autre preuve qu’ils «ne sont pas là pour faire les beaux avec des chapeaux à plume», les Corsaires ont aussi une dimension culturelle. Pour transmettre le carnaval, l’association édite des bandes dessinées, réalise des disques. Leur rayon patrimonial est cependant plus large. À leur actif, un livre sur la pêche à Islande (quand les pêcheurs allaient pêcher la morue durant six mois), sur le port à la Belle Époque, «nous défendons le patrimoine maritime en général». Ils contribuent à sa sauvegarde aussi. Le socle de l’ancienne statue de Trystram (industriel et homme politique dunkerquois du XIXe siècle) trône devant leur local, ils ont rénové la tombe de David Riefenstahl, auteur de musique de la cantate à Jean Bart, participé à l’achat du sceau de François-Cornil Bart, fils du corsaire Jean Bart, financé une maquette pour La Petite Chapelle.… L’association reste en revanche très centrée sur Dunkerque, n’ayant par exemple pas de relations de l’autre côté de la frontière.

Les Corsaires participent également à la vie locale hors du carnaval. En costume, «si le capitaine le veut», ils peuvent accueillir tout type de délégations pour des cérémonies officielles locales. L’année est rythmée aussi par les intronisations. Les Corsaires ne peuvent en effet pas dépasser les cinquante membres et pour le devenir, il faut passer par le statut de mousse, en étant coopté par deux corsaires. «Après, si le mousse travaille bien pour l’association, que ce soit manuellement ou intellectuellement, il peut envisager de devenir corsaire au moment où nous avons de la place (soit suite à un décès, soit parce que les corsaires plus âgés et moins actifs» deviennent «honoraires»).

«Vendredi, nous allons introniser trois nouveaux corsaires avec notre maire, Patrice Vert de Gris», rappellent les deux hommes. Une référence à Patrice Vergriete (maire de Dunkerque) que tout le monde aura comprise, symbole d’un second degré carnavaleux qui continue de traverser les décennies, même si Gérard Laridan, 75 ans, le reconnaît: «Je fais le carnaval depuis que j’ai 14 ans. À l’époque, on allait partout, désormais il faut un bracelet ou un passe pour rentrer dans les chapelles. L’époque est différente». Mais avec les Corsaires, l’esprit perdure.

Montard

Nicolas Montard

Journaliste free-lance et cofondateur du magazine en ligne DailyNord.

Laisser un commentaire

Lisez aussi

		WP_Hook Object
(
    [callbacks] => Array
        (
            [10] => Array
                (
                    [000000000000298b0000000000000000ywgc_custom_cart_product_image] => Array
                        (
                            [function] => Array
                                (
                                    [0] => YITH_YWGC_Cart_Checkout_Premium Object
                                        (
                                        )

                                    [1] => ywgc_custom_cart_product_image
                                )

                            [accepted_args] => 2
                        )

                    [spq_custom_data_cart_thumbnail] => Array
                        (
                            [function] => spq_custom_data_cart_thumbnail
                            [accepted_args] => 4
                        )

                )

        )

    [priorities:protected] => Array
        (
            [0] => 10
        )

    [iterations:WP_Hook:private] => Array
        (
        )

    [current_priority:WP_Hook:private] => Array
        (
        )

    [nesting_level:WP_Hook:private] => 0
    [doing_action:WP_Hook:private] => 
)