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Il faut continuer de soutenir le néerlandais en France, même s’il ne sera jamais une langue de premier plan

4 novembre 2024 8 min. temps de lecture

La Taalunie (Union de la langue néerlandaise) se penche depuis 2019 sur la place du néerlandais hors de la néerlandophonie. Quels rôles jouent (l’enseignement de) la langue et la culture néerlandaises à l’étranger? Après la Pologne et l’Italie, la France a fait l’objet d’une enquête dont les résultats ont été rendus publics en 2024. Enseignant de néerlandais en France depuis 25 ans, Ruben in ’t Groen en résume les principales conclusions. 

La plupart des néerlandophones ont déjà visité un château de la Loire et reçu une fiche leur expliquant les légendes locales, les généalogies nobles et d’autres faits, avec le choix d’une version anglaise et parfois d’une version néerlandaise. La traduction néerlandaise du texte est, je suppose, assez souvent effectuée par un immigré néerlandais ou flamand, ou à défaut par un visiteur bienveillant du camping voisin.

Ces dernières années, les traductions automatiques se sont améliorées et, pour réduire les coûts, les entreprises et les administrations y ont de plus en plus recours. Par conséquent, le besoin de personnel maîtrisant d’autres langues que l’anglais se réduit. Parfois, cependant, la traduction automatique produit des résultats étranges ou humoristiques. Le texte de présentation de Couleurs au Tripostal de Lille il y a quelques années en est un bon exemple: plutôt qu’une «tentoonstelling», l’exposition était décrite comme une «blootstelling», soit une sorte de mise à nu.

Dans le métro parisien, les annonces sont faites en français, anglais, allemand et espagnol, mais pas en néerlandais, qui est pourtant aussi une langue des voisins

Dans le nord de la France, je rencontre de temps à autre des affiches officielles ou des panneaux d’information erronés, comme ce panneau d’information routière invitant les automobilistes à la prudence avec le message suivant: «Houdt afstand» (Gardé vos distances). Et de nombreux menus déforment l’orthographe du plat flamand populaire potjevleesch.

Dans le métro parisien, les annonces sont faites en anglais, allemand et espagnol, en plus du français, mais pas en néerlandais, qui est pourtant aussi une langue des voisins. S’il arrive qu’un magasin ou un restaurant emploie du personnel néerlandophone, cela est rarement annoncé, contrairement aux panneaux indiquant «English spoken here». Les Français dont le nom de famille est Allegoedt ou Vandemeulemeester ne savent parfois même pas ce que signifie leur nom. Vous l’avez compris: le néerlandais n’est pas une langue très répandue en France.

Même dans le nord de la France, où la langue néerlandaise était encore présente il y a un siècle, la conscience historico-culturelle des racines flamandes est en déclin. De nombreux jeunes sont plus enclins à rechercher une filiation à une culture internationale dominée par les produits culturels et les médias sociaux en anglais –ou sinon leurs équivalents en espagnol, arabe ou coréen.

Si la langue néerlandaise suscite un intérêt chez les Français, c’est le plus souvent dans un contexte économique, familial ou touristique régional. Comme en Guyane, où la proximité joue un rôle de catalyseur de l’intérêt pour la langue utilisée par les habitants de l’autre côté de la ligne de démarcation. Cependant, le sentiment d’avoir des «voisins» allophones s’étend au maximum à une douzaine de kilomètres –plus à l’intérieur des terres, la conscience de la frontière est nulle.

À cela s’ajoute le fait que pratiquement aucun Français ne sait ce que signifient les termes néerlandais, hollandais, Hollande, batave ou Pays-Bas. La confusion engendrée par les mots flamand et Flandre(s) est encore bien plus grande.

La Taalunie (Union de la langue néerlandaise) soutient le néerlandais dans le nord de la France. À l’heure où les relations économiques se renforcent avec la signature d’un accord de coopération, elle a réalisé une étude sur l’état de l’enseignement et de la langue dans la région. Comment se porte le néerlandais dans l’enseignement dans le nord de la France? Et que peut faire la Taalunie pour le soutenir davantage? Voici les principales conclusions de cette enquête.

Une situation mitigée dans l’enseignement secondaire

Le nombre de places disponibles pour les assistants de langue a été augmenté et ce sont désormais une quinzaine d’étudiants qui peuvent bénéficier d’une opportunité de travail rémunérée dans l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire réunis. Outre les étudiants de Flandre et des Pays-Bas, des candidats du Suriname peuvent également participer depuis cette année.

Depuis le départ de la seule personne néerlandophone qui travaillait au rectorat de Lille, les chiffres du nombre d’élèves apprenants le néerlandais sont incomplets et donc peu fiables. Néanmoins, il est clair que le nombre d’élèves est en baisse. Dans le secondaire, cette diminution est principalement due à une récente réforme qui a rendu les options telles les langues vivantes C (LVC) moins intéressantes pour les élèves. L’enseignement français offre un choix considérable de différentes langues étrangères, mais la grande majorité d’entre elles sont «petites». Cela ne les rend pas seulement vulnérables aux changements. Les matières qui comptent peu d’apprenants sont relativement coûteuses et constituent donc une cible facile pour les coupes budgétaires, malgré le soutien des écoles elles-mêmes.

L’actuelle pénurie d’enseignants joue un rôle majeur dans la baisse récente du nombre d’élèves dans l’enseignement primaire, et le niveau bas des rémunérations y est probablement pour quelque chose. Pour l’instant, le ministère français ne donne pas de visibilité sur le nombre futur d’emplois disponibles dans l’enseignement secondaire, tandis que le néerlandais est également confronté à une pénurie à court terme. Cette situation n’incite pas les étudiants et les personnes intéressées par un changement de carrière à se lancer dans l’enseignement. La recherche d’enseignants maîtrisant le néerlandais n’est pas une mince affaire pour le rectorat de Lille. Et quand on trouve un candidat, c’est le plus souvent par hasard.

Un point positif est que les différents acteurs de l’enseignement de part et d’autre de la frontière (en particulier, bien sûr, les inspections française, néerlandaise et flamande) collaborent depuis longtemps et les échanges entre eux vont s’intensifier dans les années à venir.

Le soutien concret de la Taalunie

La Taalunie tente de soutenir les politiques locales dans les régions frontalières. Un nouvel accord de coopération avec le rectorat de Lille est en cours d’élaboration. En effet, «il a été convenu avec les gouvernements néerlandais et flamand de mener des recherches sur la valeur ajoutée du capital culturel des Plats Pays. Cette recherche devrait aider les gouvernements à formuler de (nouvelles) politiques pour la position internationale de la langue et de la culture néerlandophones».

Comme en Italie et en Pologne, les élèves et étudiants français choisissent d’apprendre le néerlandais parce qu’ils sont intéressés par sa culture. Mais le facteur le plus important est l’augmentation des chances de trouver un emploi. Comme dans d’autres pays, les entreprises ont naturellement besoin de personnel connaissant la langue et la culture des pays voisins pour mieux commercer avec eux. La demande de personnes maîtrisant le néerlandais est la plus forte dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la culture, de l’enseignement et du commerce de détail. Les traducteurs commerciaux, juridiques et littéraires sont également demandés.

Pour répondre à ce besoin social et économique, il faut former suffisamment de personnes. Et ce ne sont pas seulement ces diplômés qui contribuent à ouvrir le marché, mais aussi les néerlandistes travaillant en France qui fertilisent (indirectement) le champs du commerce: en plus de leurs activités purement professionnelles, ils touchent un public plus large grâce à l’organisation de cafés linguistiques et autres manifestations culturelles, ce qui contribue à la sensibilisation à la langue et à la culture.

Pour l’enseignement primaire et secondaire, le soutien concret de l’Union de la langue se manifeste tout d’abord par le cofinancement de projets de mobilité, la fourniture de matériel pédagogique (comme les modules Hapklaar) et l’organisation de journées de formation pour les enseignants de néerlandais en France. Ces initiatives renforcent les liens avec les pays néerlandophones et motivent les enseignants non-titulaires à travailler leurs compétences professionnelles.

Une question de perception

Les Français n’ont malheureusement pas toujours une image positive des Pays-Bas et de la Flandre. L’image stéréotypée des Plats Pays est celle d’une région (trop) libérale où l’on trouve respectivement des tulipes et de la drogue, de la bière et du chocolat. Pour éviter que l’inconnu fasse peur, il faut en mettre plein la vue aux Français et montrer les beautés à découvrir de l’autre côté de la frontière linguistique. Nous pensons notamment aux entreprises florissantes et aux possibilités de coopération économique avec les Plats Pays.

La connaissance du néerlandais reste une porte d'entrée vers une connaissance plus intime des «voisins» et une clé d'accès au florissant marché du travail flamand

De leur côté, les Néerlandais sont souvent surpris de constater que les gens à l’étranger ne parlent pas toujours anglais. L’été dernier, par exemple, un membre de ma famille a eu un problème avec ses bagages à l’aéroport de Thessalonique et a découvert avec consternation qu’aucun membre du personnel ne la comprenait en anglais. Heureusement, l’angoisse montante a été calmée par l’arrivée d’une hôtesse de l’air qui parlait un peu le néerlandais.

Certes, en France, le néerlandais ne deviendra jamais une langue de premier plan. Le nombre de produits en néerlandais dans les librairies est généralement maigre, les films néerlandophones sont rarement à l’affiche des cinémas. Seuls les peintres d’antan jouissent d’une certaine notoriété. Pourtant, la connaissance du néerlandais reste une porte d’entrée vers une connaissance plus intime des «voisins» (leur culture et leur histoire communes) et une clé d’accès au florissant marché du travail flamand.

Je suis dans le train à destination de Valenciennes. Une voix de femme annonce les arrêts, en français, en anglais et… en espagnol!? Alors que nous partons bien de la gare de Lille Flandres et non de Lille ibérique.

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Ruben in ‘t Groen

enseignant de néerlandais en lycée dans le nord de la France depuis 25 ans, il remplit aussi les missions d’inspection depuis 2012

Commentaires

  • Karel Appelmans

    Volgens mij zijn we veel te bescheiden en te braaf, er is belangstelling voor het Nederlands alleen weten de Fransen niet goed het verschil tussen het Nederlands en het dialect dat gesproken en onderwezen wordt. Een informatie campagne ( maar dat kost ) en een korte film ( dat kost ook ) met de sporen van het NL in Frankrijk op goederen die men in de supermarkt kan vinden, zelfs van Franse producenten om aan te tonen dat dit de taal is die de kinderen zullen helpen eens volwassen een goed betaalde betrekking te vinden. Men moet ook durven de ouders waarvan de kinderen dialect onderwijs krijgen te informeren dat dit hen geen toekomst kan bieden. Maar ja wie leest dit en wie reageert ?

  • Florian TERRYN

    Génial votre article, c’est exactement le constat que l’on peut faire.

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