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histoire, pays-bas français compte rendu

Saint-Omer révèle son visage flamand dans un ouvrage de Bernard Doncker

22 mars 2024 5 min. temps de lecture

Saint-Omer a été au cours de son histoire une ville flamandophone. Ceci est vrai pour son marais et ses faubourgs, mais aussi pour la ville intra-muros. Parmi d’autres aspects du patrimoine flamand de l’Audomarois, c’est ce sujet linguistique méconnu que Bernard Doncker s’attache à mettre en lumière dans son ouvrage Le patrimoine flamand de Saint-Omer, ses faubourgs et son marais.

«Le touriste en visite à Saint-Omer repartira convaincu d’avoir découvert une ville bien française», lit-on dans la préface. C’est un point de vue communément admis, mais «derrière les apparences se cachent les traces d’une autre histoire, d’une autre langue».

Cette autre histoire, Saint-Omer la doit à sa situation géographique très originale, aux confins de la Flandre et de l’Artois, dans le comté de Flandre jusqu’en 1212. La ville est également sise sur la frontière linguistique entre le monde néerlandophone et le monde roman. L’immense marais audomarois et la forêt de Clairmarais auraient pu couper la ville de la Flandre, mais ça n’a pas été le cas.

Descendant d’une famille du Haut Pont, faubourg flamand de Saint-Omer, Bernard Doncker a une connaissance intime de l’Audomarois. Dans le sillage de Cyriel Moeyaert, il apporte un éclairage nouveau sur l’histoire linguistique de «l’Artois flamand».

En bon «faubourien» de cœur, Bernard présente de façon approfondie la relation compliquée du quartier de sa famille avec la ville de Saint-Omer à l’intérieur des remparts.

L’histoire démographique et linguistique

Bernard Doncker lie l’histoire linguistique à l’Histoire, ainsi qu’à d’autres aspects dont l’art et l’architecture. Des quatre parties de l’ouvrage, c’est sans doute la deuxième qui retiendra le plus l’attention des lecteurs et lectrices. Elle traite de Saint-Omer intra-muros, du Moyen Âge au XVIIIe
siècle.

Y est développé un sujet qui semblera quasi révolutionnaire pour le néophyte: on a longtemps parlé flamand dans la ville de Saint-Omer, et pas seulement dans les faubourgs et le marais.

Les rappels historiques, notamment la population considérable de Saint-Omer du XIIe au XIVe siècle, sont également saisissants.

Saint-Omer est une ville complètement flamandophone jusqu’à la fin du XIIe siècle. Elle l’est encore majoritairement jusqu’au début du XVe siècle. Selon l’historien Alain Derville, cité par Bernard Doncker, de 1100 à 1250, la population passe de 4 000 à 35 000 habitants! Saint-Omer voit ensuite sa population baisser jusqu’à 15 000 habitants durant la guerre de 100 ans (1337-1435).

Entre 1425 et 1435, la ville est repeuplée majoritairement par des Artésiens d’expression romane. «Seuls 22% des nouveaux bourgeois sont Flamands». La période 1425-1435 est donc le moment charnière à partir duquel la langue flamande entame un déclin brutal et inéluctable. C’est la principale raison pour laquelle Saint-Omer intra-muros connaît ensuite une trajectoire linguistique très différente de celle d’Hazebrouck ou Bergues, où le flamand a décliné après 1850.

Peu de néerlandais écrit hors des publications du diocèse

Si la présence de la langue flamande parlée est attestée, qu’en est-il de la langue écrite? Saint-Omer faisait partie des anciens Pays-Bas. En 1559, le roi d’Espagne Philippe II décide de créer le diocèse de Saint-Omer. Jusqu’à la Révolution, les publications du diocèse de Saint-Omer sont ainsi trilingues: latin-français-néerlandais. Cela ne témoigne cependant plus de la vitalité du néerlandais (variante écrite de la langue orale qu’est le flamand) à l’intérieur des murs de Saint-Omer durant cette période. C’est d’abord parce que le diocèse est à cheval sur le nord de l’Artois et une petite partie de la Flandre que le néerlandais est aussi d’usage.

S’agissant de la langue écrite hors des publications du diocèse, très peu de documents en néerlandais nous sont parvenus. Bernard Doncker a reproduit quelques rares exemples, dont le serment bilingue en vieux français et en vieux néerlandais des échevins de la période 1376-1413. C’est que le français domine nettement le néerlandais à l’écrit dès la fin du Moyen Âge à Saint-Omer.

En ce qui concerne la langue orale, on peut supposer que lorsque la ville fortifiée de Saint-Omer est prise par les Français en 1677, le flamand n’est plus parlé que dans le quartier flamand, situé dans le bas de la ville, dans sa partie est.

La disparition totale du flamand des deux côtés des remparts

Bernard Doncker estime que le flamand a fini par disparaître d’entre les murs de Saint-Omer au cours du XVIIIe siècle. Dans les faubourgs flamands de Lysel et du Haut-Pont, soit hors des remparts et dans le marais, le flamand a survécu plus longtemps, avant de s’éteindre au début du XXe siècle.

D’autre part, un décalage d’un siècle s’observe entre l’agonie du flamand dans les faubourgs de Saint-Omer et dix kilomètres plus loin vers le nord-est, en Flandre, à Lederzeele ou à Noordpeene, où cette phase ultime s’observe actuellement.

Aujourd’hui, la langue flamande n’est plus du tout parlée dans l’Audomarois, mais elle reste bien visible dans la toponymie. À cet égard, le livre est parsemé de listes de mots flamands avec leur traduction. Il s’agit notamment de toponymes, dont certains sonnent tout à fait français et ont pourtant une origine flamande.

Avec Le patrimoine flamand de Saint-Omer, Bernard Doncker présente de façon convaincante un pan peu étudié de l’histoire régionale. L’auteur s’est attelé à l’écriture de ce livre suite à une série de conférences qu’il a données et aux articles qu’il a écrits pour les plats pays en 2022. Ce livre est par ailleurs un bel objet richement illustré et très soigné, marque de fabrique de l’éditeur ateliergaleriéditions d’Aire-sur-la-Lys.

Bernard Doncker, Le patrimoine flamand de Saint-Omer, ses faubourgs et son marais, ateliergaleriéditions, Aire-sur-la-Lys, 2023. Une réédition a paru en mars 2024.
Ducourant Philippe

Philippe Ducourant

guide animateur à la Maison de la Bataille à Noordpeene

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