Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

Publications

Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

Maxine Palit de Jongh: l’accordeur qui parle
© Sanne De Wilde / Collectie Rijksmuseum, Amsterdam
© Sanne De Wilde / Collectie Rijksmuseum, Amsterdam © Sanne De Wilde / Collectie Rijksmuseum, Amsterdam
Jeunes écrivain·es sur le travail invisible
Littérature

Maxine Palit de Jongh: l’accordeur qui parle

Dix-huit jeunes auteurs et autrices ont donné vie à des objets du XIXe siècle provenant du Rijksmuseum. Ils et elles se sont inspiré·es de la question suivante: que voyez-vous lorsque vous regardez ces objets en portant attention au travail invisible? Avec Maxine Palit de Jongh, nous examinons un piano à queue d'Erard Frères datant de 1808. «je rêve de/ moutons de poussière se transformant en doigts».

l’accordeur qui parle

accordeur: on entend un accord en si-bémol

piano à queue:
je suis surtout ici pour l’esthétique
un adolescent qui se prépare
au premier baiser quitte la fête en avance
tout collant de bière de rhum-coca les lèvres
intouchées sa petite âme blessée

accordeur : on entend un fa majeur

piano à queue:
je suis surtout ici dans le silence
à mon pied quatre pédales qui réforment ma voix
à mes touches des cordes qui devraient vibrer
personne pour me toucher
me faire peur afin de

accordeur: on entend un ré mineur

piano à queue:
je ne suis pas auprès d’elle
hortense de beauharnais
qui ne m’a jamais reçu
je sais quel mur porte son portrait
jamais je n’ai senti le toucher de ses doigts

accordeur: un silence long

piano à queue:
jamais je ne l’ai vue chercher l’unité dans le son
la dissonance m’est étrangère
l’harmonie tout autant
tous mes tons sont cerclés de cuivre ainsi
l’environnement ne peut me désaccorder d’un soupir

accordeur: faites
moi
résonner

piano à queue:
faites-moi
résonner

accordeur: je rêve de
rhapsody in blue non de beethoven

piano à queue:
je rêve de
moutons de poussière se transformant en doigts

accordeur: mon solo résonne, le spectateur une mallette vide, assiettes vides, visages vides

piano à queue:
quatre mesures de silence
six mois de silence
deux
trois
siècles de
silence

accordeur: seulement moi

piano à queue:
moi seul
je sens glisser la pureté
je veux un récit pas une histoire
combien de temps reste-t-elle en mouvement est-elle juste
je sens que ça glisse

accordeur: les autres pianos c’est de la merde
je n’ai pas le droit de le penser
une voix doit se faire entendre
ma réticence à quitter cet instrument
ricoche dans cette salle 1.12

1-1-2 le piano se trouve en état d’urgence
«on ne plaisante pas avec cela» me tance le
café aqueux dans toutes les maisons où je passe
la bonne température m’apaise
la froidure des rêves qui s’écroulent me choque

dans ma valise mon matériel bien astiqué
mes doigts habillés de gants
l’ivoire est fragile
l’ivoire reste fragile

les doigts qui accordent chantent aussi
gershwin bach beethoven et pop
ne sous-estimez pas la tâche
la réparation des sons
dans ma tête résonne un contre-ut
ça sonne ainsi

Série

Jeunes écrivain·es sur le travail invisible

S’inscrire

S’enregistrer ou s’inscrire pour lire ou acheter un article.

Désolé

Vous visitez ce site web via un profil public.
Cela vous permet de lire tous les articles, mais pas d’acheter des produits.

Important à savoir


Lorsque vous achetez un abonnement, vous donnez la permission de vous réabonner automatiquement. Vous pouvez y mettre fin à tout moment en contactant emma.reynaert@onserfdeel.be.