Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Père, sœur, fille: la poésie de Siel Verhanneman
© Damon de Backer
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Trésors cachés
Littérature

Père, sœur, fille: la poésie de Siel Verhanneman

Les trois poèmes de Siel Verhanneman choisis et traduits par Daniel Cunin explorent les deux pôles de l’existence, à rebours, de la mort à la naissance.

Après avoir commencé à placer des poèmes sur les réseaux sociaux, Siel Verhanneman, née à Ypres en 1989 et établie à Courtrai, a décidé de les confier au papier. À ce jour, trois recueils ont ainsi vu le jour: Als ik stil ben heb ik een bos in mijn hoofd (2016), Zo scherp je kon er ook niet geweest zijn (2018), tous deux aux éditions Standard, et Wat nu met het licht dat binnenvalt (éditions Arbeiderspers, 2022). C’est de ce dernier titre, placé sous le signe de deuils qui se veulent tangibles et de la vie qui renaît et reprend ses droits, que sont tirés les trois poèmes qui suivent en traduction.

L’art (pictural) semble devoir occuper une place toujours plus grande dans l’œuvre de cette jeune femme qui a par ailleurs signé quelques nouvelles ainsi que le roman Of iedereen gaat dood (Ou bien tout le monde va mourir, 2019).

Porte ouverte

Un funérarium, j’attends dans le couloir et regarde.
Ça n’a pas pu être plus large qu’un entrebâillement:
deux cierges blancs plantés sur leurs socles dorés
et entre eux, sur la table, un corps qui repose à jamais.

Ce qui aurait pu se passer si j’étais entrée dans cette pièce:
– Un cri, jusqu’à la moelle des os.
– Je me penche en avant, en guise de salut.
– Ma main sur la sienne (en a-t-on encore le droit ?)

Trois réactions plausibles en soi
mais de là où je me trouve
il a l’air de rétrécir,
de se noyer
dans son emballage.

Je pense à la façon dont ses yeux flottent dans les orbites,
à la façon dont il devient trop petit, tout petit nom de dieu,
à la façon dont il peu à peu rien.

Ce qui se passe dans l’entrebâillement:
je m’enfuis.

Le corps [3]

Tous les millions de micros de mon corps sont ouverts;
chez l’homme moyen, on en dénombre à peine une cinquantaine.
Je suis un grand niveau d’alerte, l’anesthésie se révèle impossible
à moins que je ne la fasse mienne.

L’homme en blanc effectue un test, plante la pointe d’un crayon dans mon épaule.
À la différence de la plupart des gens, dit-il, vous ne bondissez pas jusqu’au plafond.
Ça me rend fière, plus rien ne traverse ma peau blindée
quand j’effleure mes bras et ma nuque
en percevant à peine ma caresse.
Je pense que ça ira de la sorte,
aller de l’avant.

C’est alors que meurt ma sœur.

Fille

Mon corps mène une seconde vie
ta vie,
les battements de ton cœur me picotent la peau
font grossir mon ventre
pleurer mes yeux.

J’essaie de te parler
de te demander d’être douce
pour la fille qui en ce moment
se fait mère.

Voici mes antennes désarçonnées
tandis que tu flottes et dérives
tu agites la main,
tu bâilles,
tu subis,
me subis.

Moi j’apprends à te porter.
J’apprends à dormir sans cachets,
à commander du pain sans me tromper
dans une boulangerie pleine,
à parler aux marchands sur le marché,
à te bercer pendant que
je me dandine.

Moi j’apprends à te porter
aujourd’hui et ensuite
afin qu’en tout ce qui est encore à venir
tu puisses être la plus grande part.

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