Des histoires d’immigration, du Rwanda à la Turquie en passant par ailleurs
Tous les deux mois, Hans Vanacker pose un regard personnel sur Septentrion et tire des archives du magazine des textes qui entrent en résonance avec l’actualité. Alors que le Parlement britannique vient d’approuver un projet de loi permettant l’expulsion de certains demandeurs d’asile vers le Rwanda, le secrétaire de rédaction de Septentrion met en perspective différentes histoires d’immigration.
© Prime Ministers Office / Wikimedia Commons
C’est avec une profonde indignation, je l’avoue, que j’écris ce billet pour ma rubrique. Car les jeux sont faits: une majorité de la Chambre des communes britannique ne s’oppose pas à ce que les demandeurs d’asile qui ont épuisé tous les recours légaux soient expulsés vers le Rwanda, pays de Cocagne à la stabilité exemplaire, comme tout le monde le sait.
Cela se produira-t-il effectivement? Il est encore impossible de le dire. Il est probable qu’une bataille juridique s’engagera pour empêcher ces déportations. Entretemps, le Danemark et d’autres pays européens très civilisés semblent suivre de près l’évolution de la situation. Si le gouvernement britannique peut imposer sa volonté, pourquoi ne pourraient-ils pas en faire de même?
En zappant il y a quelques jours, je suis tombé sur un talk-show sur une chaîne néerlandaise. Des politiciens et des journalistes y parlaient longuement, entre autres choses, de l’accord avec le Rwanda. Il ne s’agirait que d’une méthode dissuasive, ont-ils presque tous souligné en chœur. Comme si cela faisait une différence pour ces gens dans l’avion, en voie d’être déportés, qui plus est dans un pays où la plupart n’ont même jamais mis les pieds, me suis-je demandé. Mais une telle déportation coûte cher, a fait remarquer quelqu’un. C’est sur ce point que les Britanniques pourraient peut-être faire marche arrière. Sur l’aspect humanitaire, pas un mot.
© Pacifique Gatete / Wikimedia Commons
Quel est le rapport avec Septentrion, me direz-vous? Et bien ceci: sans trop chercher, je peux retrouver dans nos archives de nombreux articles sur l’émigration depuis les Plats Pays. Et très souvent, ces histoires ont des accents héroïques. Ces pauvres Néerlandais qui, malgré tout, ont réussi à obtenir une place sur un bateau à destination de New York et qui se sont construits une existence aux États-Unis à force de travail. Ces pauvres Flamands qui ont traversé la frontière vers le nord de la France pour travailler dans une touraille, seul moyen de nourrir leurs femmes et leurs nombreux enfants. Sans oublier les nombreuses familles belges qui se sont réfugiées en France au début de la Première Guerre mondiale. D’ailleurs, elles y ont généralement été bien accueillies et avec compassion.
domaine public
Cependant, c’est à la communauté turque de ma propre ville, Gand, que j’ai choisi de consacrer ce billet. Vous pourrez lire l’histoire fascinante d’une communauté qui, plus d’une fois, n’a pas eu la vie facile, mais qui, entretemps, semble s’être relativement bien intégrée.
Et encore ceci: ces dernières années, un nombre impressionnant de Flamands occidentaux se sont installés à Gand. Une blague circule: Gand serait devenue la ville la plus ouest-flamande de Belgique. Cela n’est pas sans conséquences pour les Gantois de souche comme moi. Il suffit de penser aux dialectes flamands occidentaux étranges que l’on entend autour de soi. Mais ces natifs de la Flandre-Occidentale n’ont pas à s’inquiéter. Si quelqu’un a l’idée de les envoyer au Rwanda, je ferai évidemment tout pour l’empêcher.
Turquie-sur-la-Lys : Cinquante ans d’immigration turque
En 2014 ont été organisées ici et là en Belgique des activités qui mettaient pleins feux sur cinquante ans d’immigration turque. En 1964 est signé l’accord belgo-turc permettant à des milliers de Turcs de venir travailler dans les charbonnages belges. Ce recrutement est le signal de départ d’une passionnante histoire de la migration turque (en particulier anatolienne) vers la Belgique. Les premiers immigrants s’installent dans les régions minières (Limbourg et Wallonie) et les villes industrielles (à Bruxelles dans la construction, à Anvers dans le port et à Gand dans le textile).
Cinquante ans plus tard, on estime à 230 000 le nombre des Belges d’origine turque. À Gand, où pratiquement un habitant sur dix est d’origine turque, l’année culturelle 2014 a été placée sous le signe de cinquante ans d’immigration. Le chef-lieu de la Flandre-Orientale est donc un exemple extrêmement intéressant pour analyser, au micro-niveau, l’histoire de l’immigration turque et découvrir une évolution qui, jusqu’à présent, passait d’ordinaire inaperçue.
Il s’avère que la communauté turque de Belgique ne s’est pas développée à petits pas, mais plutôt par grands bonds (en 1963-1964 et 1974- 1976) et petites vagues (en 1980-1982, c’est-à-dire les années qui suivent le coup d’État militaire, et une dernière fois au milieu des années 1990). Que ce soit du point de vue de l’origine ou du profil, les migrants de ces différentes périodes présentent de grandes différences.
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