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arts, pays-bas français

La maison du collectionneur

Par Joost de Geest, traduit par Jean-Philippe Riby
12 avril 2019 5 min. temps de lecture

À partir du 13 avril, le musée Benoît-De-Puydt de Bailleul accueille l’exposition «Les Chambres des Merveilles». Le musée a été entièrement réaménagé pour l’occasion. Bienvenue dans la maison du collectionneur Benoît De Puydt. (Nederlandse versie hier)

Dès le milieu du XIXe siècle, la ville de Bailleul put disposer d’un véritable musée, en grande partie grâce à l’initiative personnelle d’un habitant fortuné et collectionneur d’art, Benoît De Puydt. L’homme n’avait pas d’héritiers directs et légua par testament sa maison et sa collection à la Ville, à la condition d’en faire un musée. Ce legs très important permit à Bailleul de se distinguer sur le plan culturel dans le nord de la France.

Une riche collection

Benoît De Puydt ne voulait pas se limiter à une «collection flamande». Ce type d’objets suscitait alors un engouement indiscutable, y compris dans la Belgique voisine. À l’époque, les marchés locaux regorgeaient d’antiquités flamandes. Cette offre surabondante était le résultat de la Révolution française, avec la vente hâtive d’un grand nombre d’antiquités « eligieuses». Aujourd’hui, il semble aisé de trouver des pépites dans cette offre, mais à l’époque de Benoît De Puydt il était impossible de faire impression dans un intérieur soigné avec des pièces du baroque tardif (meubles lourds, éléments de chaires à prêcher ou de confessionnaux, chandeliers, etc.).

De Puydt ne se contenta pas de dénicher localement des éléments d’intérieurs flamands anciens. Il fit aussi ses acquisitions dans un rayon plus large, voire à l’étranger. Son discernement et son flair lui permirent de réunir ainsi, outre une prestigieuse collection d’art composée de tableaux, de cabinets et de tapisseries, un remarquable ensemble de céramique européenne ainsi que de nombreuses porcelaines de Chine et du Japon. Il s’intéressa également à l’artisanat local du cuivre et de l’étain.

Nul doute que ces objets évoquèrent au public «la cuisine flamande», qui prit aussitôt une dimension pittoresque et sociale au sein du musée. La région offre d’autres exemples de cuisines bien conservées, comme celle de l’Hospice Comtesse, à Lille. La cuisine était par ailleurs un sujet populaire de la peinture de genre ancienne.

À eux seuls ils méritent la visite à Bailleul

La partie la plus prestigieuse et précieuse de la collection fut réservée au hall d’entrée et aux salons, lieux de vie et de réception. On y trouvait des tableaux, des tapisseries et une dizaine de superbes cabinets d’apparat, anversois et italiens. À eux seuls ils méritent la visite à Bailleul. Trois ont malheureusement disparu lors de la Première Guerre mondiale. Avec les tapisseries et les tableaux, ils embellissaient un riche intérieur flamand et le musée en devenir. Ils montrent aussi que De Puydt, mort en 1859, était un collectionneur attentif et passionné.

Des tableaux fantômes hantent le musée

La maison et la collection ouvrirent au public en 1861. Ce public comprenait également des élèves de l’académie de dessin fondée à l’initiative et grâce au mécénat de Benoît De Puydt. Excellent moyen de mettre la jeunesse en contact avec l’art, dans un cadre «naturel». Cela pouvait même mener à une carrière d’artiste. Un élève de l’académie de Bailleul, Pharaon De Winter, obtint une bourse de la Fondation De-Puydt, afin de poursuivre ses études à Lille et Paris, où il connut un certain succès. Il devint professeur et directeur de l’École des Beaux-Arts de Lille. On vit en lui le représentant du «réalisme du Nord».

En 1862, Édouard Swynghedauw fut nommé directeur de l’école de dessin par la Ville de Bailleul. Devenu conservateur du musée en 1881, il fit l’inventaire de la collection. La plupart des œuvres ainsi inventoriées sont visibles sous la forme d’une série de clichés d’intérieur pris en 1914 par le photographe yprois Antony. Durant l’année 1918, si dévastatrice, seule une partie de la collection put être mise à l’abri en Normandie. Il ne resta rien de ce qui se trouvait à Bailleul. Les bombardements anéantirent la ville, jusque-là épargnée.

Après-guerre, la ville et le musée furent reconstruits. Les artistes continuèrent à y chercher l’inspiration et à y travailler. Cette atmosphère d’antan se retrouve dans des œuvres comme celles de Pierre De Coninck (1828-1910), qui étudia à Ypres, Lille et Paris et obtint le prix de Rome en 1859. En 1967, le musée acheta un impressionnant tableau de lui: La mort de Dom Dominique Lacaes. Le musée essaie en effet d’acquérir d’anciennes œuvres s’accordant avec les tableaux disparus durant la Première Guerre mondiale.

Le musée conserve le souvenir de ces œuvres disparues. À travers les descriptions du conservateur Édouard Swynghedauw. L’un de ses successeurs, Laurent Guillaut, les fit reproduire sur des panneaux à la taille réelle des tableaux disparus. Luc Hossepied, un galeriste de Roubaix, eut l’idée originale de proposer à des artistes contemporains de réaliser de nouvelles œuvres d’après la description des descriptions. Quatre-vingt-treize « tableaux fantômes » sont ainsi nés depuis 2014. Ils ont été exposés récemment à La Piscine de Roubaix et viendront au musée de Bailleul en 2020.

Une nouvelle présentation

En 2019, le musée a totalement renouvelé sa présentation. Il s’agit de donner aux visiteurs encore plus l’impression qu’ils pénètrent dans la maison d’un collectionneur. Le rez-de-chaussée est aménagé exactement comme au XIXe siècle, avec un mur couvert de tableaux. La table est mise avec soin. Un intérieur flamand typique est reconstitué jusque dans ses moindres détails, avec des assiettes au plafond et des objets décoratifs devant les fenêtres.

Au premier étage, on trouve surtout de l’art flamand et de l’artisanat. On peut aussi y admirer des œuvres de Pharaon de Winter. Le deuxième étage est consacré à l’art contemporain. C’est là que l’on veut présenter les réalisations des artistes contemporains inspirés par les descriptions des tableaux disparus.

La combinaison de l’ancienne collection, le souvenir des ravages de la Première Guerre mondiale et l’ouverture aux interprétations contemporaines du passé donnent au musée Benoît-De-Puydt une dimension passionnante et prometteuse.

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Joost de Geest

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