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Le charme suranné du musée d’Histoire naturelle de Lille

Par Bart Noels, traduit par Michel Perquy
13 septembre 2021 5 min. temps de lecture En mode musée

Le musée d’Histoire naturelle de Lille deviendra un «Grand musée de l’Homme, de la Nature et des Civilisations» à partir de 2025. La municipalité de Lille a déjà réalisé une partie de cette ambition en aménageant au printemps dernier un nouvel espace d’accueil des visiteurs. Lors de la deuxième phase, il est prévu de s’attaquer à la collection et sa présentation. À juste titre d’ailleurs. Quiconque souhaite encore goûter le charme classique de ce musée scientifique ferait bien de ne pas tarder. Les bocaux à serpents, les nichoirs et autres curiosités vous attendent.

C’est à un intervalle régulier d’une dizaine d’années que je visite le musée d’Histoire naturelle de Lille. Jusqu’ici, en entrant par la rue de Bruxelles, mais dorénavant par l’entrée imposante dans la rue Gosselet. La première phase d’une réhabilitation en profondeur vient en effet d’être réalisée cette année avec le nouvel espace d’accueil des visiteurs et le bar du musée. Il faudra encore patienter un peu pour voir les grands travaux de rénovation et de réaménagement, mais qu’à cela ne tienne. Le plaisir est au rendez-vous.

C’est même peut-être précisément le bon moment pour aller visiter ce musée lillois. Le charme absolu du musée réside dans le fait qu’il fait fi de toutes les règles muséales contemporaines par sa disposition hyper classique et la présentation surannée, mais aussi dans le charme extraordinaire de son architecture classique. Des musées contemporains installent un cabinet des curiosités pour replonger ne fût-ce que brièvement leurs visiteurs dans le bain éclectique du dix-neuvième siècle. À Lille, c’est le musée dans son ensemble qui correspond à ce genre de cabinet des curiosités.

Un pôle d’attraction par son immense collection

Le temps semble s’être arrêté à Lille. Il faut bien ouvrir les yeux pour découvrir des textes, des vidéos ou des commentaires sur le changement climatique, les transitions écologiques ou la disparition de la biodiversité. Mais peut-être n’est-ce pas nécessaire si on expose depuis des décennies des milliers de spécimens dans des armoires, des bocaux et des vitrines.

le message passe peut-être avec davantage de force qu’une énième vidéo catastrophe «éducative»

Tout au long du dix-neuvième siècle, des scientifiques lillois ont parcouru la région, le pays et la planète entière pour capturer un exemplaire du moindre oiselet, mais aussi de tout insecte ou papillon. Ces spécimens se retrouvent tous exposés dans des armoires, des tiroirs et des vitrines. Si tous ces animaux ne sont plus en vie, ils ne cessent cependant de témoigner. Par-ci par-là, une inscription discrète près d’un oiseau, un reptile, un poisson ou un mammifère mentionne que «cette espèce a disparu» ou qu’elle est «devenue rare». Ainsi, ces animaux de parfois plus de 150 ans demeurent les témoins physiques d’un monde qui était plus propre et plus pur. Et ce message passe peut-être avec davantage de force qu’une énième vidéo catastrophe «éducative».

Le musée d’Histoire naturelle de Lille date de 1822 et il était installé à l’origine à l’hôtel de ville. Il se trouve depuis 1902 sur le site actuel, dans un bâtiment qui a jadis hébergé aussi la faculté des sciences de l’université. Cette dernière a déménagé depuis des décennies à Villeneuve-d’Ascq.

il ne faut pas s’y tromper, ce musée est bel et bien une attraction

Le musée a été doté à l’époque d’un bâtiment classique pourvu de lourdes poutrelles en acier et d’élégantes ferronneries. En fermant les yeux, on imagine aisément les messieurs en haut-de-forme flânant parmi les vitrines, se targuant d’une nouvelle trouvaille ou écoutant attentivement un exposé. Cent vingt ans plus tard, le musée accueille surtout des familles avec enfants, et les espaces se renvoient l’écho de leurs pas de course et de leurs cris joyeux. Car il ne faut pas s’y tromper: ce musée est bel et bien une attraction. Ce qui prouve que même en ne misant qu’un minimum sur l’animation et les prouesses muséales, une telle institution reste attractive à condition de disposer d’une collection d’une richesse aussi immense.

Le musée possède quelque 450 000 objets. L’objectif est de les mettre davantage en valeur dans le nouveau musée. À peine 5 % de la collection est exposée.

Comme la collection géologique, par exemple, réunie jadis par le professeur Jules Gosselet, le premier professeur de géologie de l’université de Lille. L’exploitation minière, qui a fait –avec le textile– la grandeur du Nord de la France, était alors très avide de se pourvoir de bases scientifiques. Gosselet, ses étudiants et ses successeurs ont réalisé des forages dans toute la région et bien au-delà en Belgique et en France. Non par manie de collectionneur, mais au service d’un objectif supérieur, comme l’expliquait Gosselet à ses étudiants: «Dans notre vie de géologues, [disiez-vous,] chaque fois que nous rencontrons un rocher, nous lui demandons son nom, son âge, pourquoi il est là, comment il s’est formé, et pour ne pas oublier ses réponses, nous en rapportons un fragment dans nos collections.» Leur travail n’a pas seulement rapporté d’innombrables échantillons de sol, mais aussi des centaines de découvertes préhistoriques. Cette collection d’échantillons de sol est très vaste, même des échantillons de l’époque de la construction du métro lillois ont reçu une place au musée.

Un des très beaux aspects de la rénovation récente, avec le nouvel accès au musée, est qu’on peut enfin admirer aussi la grande carte de la région minière, peinte au début du vingtième siècle. Il s’agit d’une fresque sublime qui fournit l’image d’une précision remarquable pour l’époque de l’état du sous-sol dans le bassin houiller des Hauts-de-France. Elle a nécessité des données des différentes sociétés minières et des tas d’échantillonnages pour pouvoir rendre compte de l’état du sol à 200 m sous la surface.

La collection zoologique occupe le plus de place au musée et c’est aussi celle qui attire le plus les jeunes enfants. La salle avec les oiseaux naturalisés dans des vitrines est carrément impressionnante avec ses milliers d’exemplaires qui nous regardent, accompagnés de leur étiquette mentionnant l’année et l’endroit où ils ont été trouvés ou attrapés. Le musée possède aussi les restes d’une vingtaine d’animaux disparus: un grand pingouin de 1835, un thylacine (ou loup marsupial ou de Tasmanie), un pic à bec d’ivoire ou encore un pigeon migrateur d’Amérique du Nord.

Il existe aussi une assez vaste collection ethnographique. Présentée à côté des squelettes de mammouth et des cristaux, elle forme un contraste particulier. Des artéfacts du monde entier s’y trouvent réunis dans une présentation bigarrée. Un peu plus loin, on s’étonne devant de bizarres instruments de mesure dans des vitrines. C’est une partie de la collection Sciences et Techniques, provenant essentiellement de l’ancien Musée industriel de Lille.

De nouveaux travaux de réhabilitation doivent démarrer en 2024 et s’achever en 2025. Le musée rénové proposera un nouveau parcours de visite, avec une présentation thématique des collections, «basée sur les grands thèmes de société». C’est certainement une bonne chose, mais nous espérons que le charme du musée actuel sera du moins partiellement conservé.

Musée d’Histoire naturelle de Lille
Bart-noels

Bart Noels

journaliste freelance et initiateur du projet francobelge.news

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