Sondant la complexité de l’humain, ses zones d’ombre, ses points de folie, la spirale de l’irréversible, l’auteur flamand Stefan Hertmans (° 1951) dresse dans «Antigone à Molenbeek» une Antigone tout à la fois transhistorique et actuelle, politique et métaphysique, profane et sacrée.
De siècle en siècle, d’un continent à l’autre, le conflit entre les lois de la Cité et celles de la famille se voit reconduit. De tout temps, en tout lieu, l’opposition entre la raison d’État et l’éthique de l’amour familial entraîne son climax tragique. Immémorial, cet affrontement se condense dans les noms de Créon et d’Antigone. Dans un récit aussi puissant qu’épuré jusqu’au cri, Stefan Hertmans revisite magistralement le mythe sophocléen d’Antigone. L’Antigone du XXIe siècle s’est glissée dans la peau d’une jeune femme, Nouria, sœur d’un kamikaze qui s’est fait exploser dans le désert lors d’un attentat-suicide à la bombe. En des tableaux brefs, dépouillés, l’auteur campe un lieu – Molenbeek – et donne à entendre la supplique de Nouria: avoir le droit d’enterrer son petit frère. Tout mort a droit à une sépulture. Et ce, quels que soient les actes qu’il a commis. Radicalisé, converti, embrigadé dans l’énergie noire de la haine, son frère est parti là-bas, combattre aux côtés des djihadistes. Tout ce que Nouria demande, c’est de voir sa dépouille, de le porter en terre. Qu’on lui reconnaisse le droit à l’inhumation dont nul être humain ne peut être privé.