Le photographe Hendrik Kerstens a eu bien du mal à opérer un choix entre les nombreux maîtres anciens qu’il admire. Il a finalement opté pour L’Homme au turban rouge (1433) de Jan van Eyck (vers 1390-1441) et le Portrait de Haesje Jacobsdr. van Cleyburg (1634) de Rembrandt (1606-1669). Ces deux chefs-d’œuvre l’aident à tendre vers le but qu’il s’est fixé dans son œuvre.
Ce que j’essaie de faire dans mes photographies, c’est d’absorber et de renouveler les différentes traditions artistiques. Je veux éviter l’imitation à tout prix, car mon ambition consiste à recréer et à revisiter les cultures visuelles. À cette fin, je m’emploie à contextualiser et à comprendre les tableaux des maîtres anciens et les textes qui en parlent.
La différence entre peinture et photographie
Pour moi, le tableau de Jan van Eyck a ceci de sensationnel qu’il rompt résolument avec les traditions antérieures du portrait. Divers historiens de l’art vont jusqu’à considérer ce chef-d’œuvre comme le premier portrait moderne de l’histoire de l’art occidental. Par ailleurs, la pose de l’homme est un prototype du portrait de trois quarts qui met pleinement l’accent sur le visage. C’est là l’élément essentiel de l’œuvre selon moi: l’homme nous regarde droit dans les yeux. L’histoire de l’échange pictural des regards entre modèle et spectateur trouve ici son origine 1.