Le siècle de Rembrandt van Rijn et autres peintres
D’après Danielle van Zadelhoff, nous prenons nos décisions sur la base d’expériences du passé. Nous laissons ces expériences influencer et déterminer nos choix, consciemment mais souvent aussi inconsciemment. Cette donnée fascine Van Zadelhoff. Avec son travail, elle espère construire une passerelle entre le passé et le présent, et être une fenêtre sur l’avenir.
Pour jeter le pont entre le passé et le présent, je puise mon inspiration dans le langage visuel des maîtres anciens des écoles hollandaise et italienne, tels que Rembrandt, le Caravage et d’autres artistes.
Le rendu réaliste de nombreuses peintures de cette période, l’impitoyable minutie avec laquelle est peint chaque détail des rides, des boutons, des taches de rousseur ou des poils m’émeuvent profondément. Je cherche moi aussi à traduire cette émotion dans mes photos.
Ce qui m’inspire surtout dans l’œuvre du Caravage, c’est la transition de l’obscurité à la pleine lumière en passant par la pénombre. Dans l’obscurité et le demi-jour, là où l’inconscient et le subconscient ont le champ libre, je peux libérer une grande part de mes émotions, de mes peurs, de mes désirs et de mes rêves. Dans les parties sombres trouveront dès lors place les choses qui ne supportent pas la lumière, et dans la lumière ce qui peut tout juste être vu ou ce qui est franchement donné à voir.
© RMN-Grand Palais / T. Querrec.
Je tire beaucoup d’inspiration des thèmes de l’œuvre de Rembrandt. Non pour les copier, mais pour les rendre d’une manière personnelle. Ainsi y a-t-il Lucrèce, un thème qui revient souvent dans l’art pictural de cette époque. Lucrèce, une femme qui se donne la mort avec un poignard. Quand je la contemple, je me demande quel est le moment le plus crucial dans les périodes difficiles, pour moi également. Et ce n’est pas l’acte en soi, mais le moment qui précède la décision de commettre cet acte de désespoir. C’est pourquoi je représente Lucrèce avec la détresse dans les yeux.
À une époque où nous sommes confrontés à des situations intolérables dans l’industrie de la viande et où de plus en plus de gens deviennent végétariens, je suis fascinée également par la manière dont Rembrandt a peint son bœuf, le tableau exposé au Louvre. À la carcasse suspendue à l’envers, comme crucifiée, je donne dans ma photo une autre charge, mais les deux images sont un memento mori.
Immobilisation et simplicité
Les turbans que Rembrandt utilisait souvent dans ses portraits de personnages turcs sont pour moi aussi une importante source d’inspiration, non en tant qu’élément oriental, mais pour créer une immobilisation. J’ai réalisé une série de portraits dans laquelle j’ai cherché à saisir différentes émotions et à les rendre à l’aide d’éclairages variés, et à partir de plusieurs points de vue. Tout comme les physionomies chez Rembrandt, le turban nous renseigne immédiatement sur le caractère du personnage représenté.
© D. van Zadelhoff.
Je trouve bouleversante la manière dont le peintre flamand Michael Sweerts parvient à rendre la simplicité émotionnelle dans un portrait de femme datant de 1645. Il ne s’agit pas d’une dame riche. Au contraire, elle est très simple. Ce sont avant tout son visage désarmant de gentillesse et ses yeux chaleureux qui m’ont inspiré un portrait très simple d’une vieille dame juste avant sa mort, une dame qui était très importante pour moi. Timeless est le titre de la photo, sans beaucoup de détails ni utilisation de la couleur, et par là même impressionnante.
Pour le portrait d’Adam et Ève, je me réfère davantage à Lucas Cranach l’Ancien, pourtant antérieur au XVIIe siècle et qui n’a pas travaillé dans les Plats Pays. Au moyen de petits détails tels que des empreintes de vêtements dans la peau et de petits tatouages, je cherche à traduire les tentations et les séductions de notre époque. En exposition, ces peintures ne sont pas accrochées à l’envers comme souvent dans mon livre. Je laisse leur liberté au conservateur et à l’acheteur. Tout comme dans notre vie quotidienne nous avons la liberté de faire nos choix.